Olivier Barrot
Les Voyages de Feininger Gallimard, 100 p., 12 euros
Olivier Barrot est un journaliste qui s’est plutôt spécialisé dans la littérature et le théâtre. Qu’est-ce qui alors l’a conduit à se passionner pour ce peintre, Lyonel Feininger, auteur de la fameuse gravure représentant une cathédrale qui illustrait le manifeste du Bauhaus de 1919, mais pas le plus connu des artistes qui enseignèrent dans l’école, et rarement exposé en France ? La rencontre d’une personnalité singulière, Achim Moeller, dont la galerie new-yorkaise est presque entièrement consacrée à Feininger. Cela, et, plus profondément, une double attache culturelle commune : né à New York en 1871 de parents allemands, Feininger choisira de s’installer à Berlin où sa carrière prendra son essor, avant de retourner à New York, contraint et forcé en 1937 ; Barrot est sensible à cette trajectoire, lui qui vit en subissant pareillement une double polarisation, ne cessant les allers-retours entre l’Est de l’Europe et l’autre côté de l’Atlantique. Mais une autre clef encore nous est peut-être donnée d’emblée, à travers le récit d’une déambulation solitaire à Versailles un soir de pluie. Une atmosphère est rendue, qui évoque aussitôt ces visions urbaines voilées, ce cubisme luministe propre au peintre. L’approche de Barrot est subjective, mais on ne peut plus pertinente. Évoquer ses promenades à vélo aux alentours de Weimar n’empêche pas l’auteur de nous apprendre beaucoup de faits : Feininger fut aussi un grand dessinateur de presse et un auteur de bandes dessinées, il fut proche d’Alfred Kubin et ami de Mark Tobey, son influence s’exerça beaucoup en Allemagne, et peut-être peut-on la voir dans les décors du Caligari (1920) de Robert Wiene. Une approche diffractée en quelque sorte, à l’exemple des tableaux qu’il traque dans tous les musées d’Europe et d’Amérique.