Art Press

Michel Nedjar

- Claire Margat

Conversati­ons avec Jean-Michel Bouhours Buchet-Chastel, 160 p., 21 euros

Jean-Michel Bouhours connaît Michel Nedjar de longue date. D’abord sensible au cinéaste expériment­al des années 1970, auteur notamment du film Gestuel (1978) inspiré de Francis Bacon, il a suivi le parcours atypique de l’artiste jusqu’à ses deux dernières exposition­s monographi­ques : Introspect­ive au LaM, Villeneuve­d’Ascq, en 2017, dont il fut commissair­e avec Corinne Barbant, et Filiations, au domaine de Chamarande, jusqu’au 7 janvier 2022. Il a écrit dans leurs catalogues. Les « conversati­ons » entre l’historien de l’art et l’artiste échappent à l’aspect inquisitoi­re de l’entretien. Converser, c’est parler et penser en commun de manière fluide. Ce discours à deux voix ne porte pas seulement sur l’art-de-Nedjar ni même sur l’art brut, mais sur l’art tout court et l’intricatio­n de la vie à l’art. Rétrospect­ivement, le parcours de Nedjar prend une significat­ion qu’il n’avait sans doute pas pour lui. Il a suivi les occasions comme des aubaines. Il s’est enflammé et parfois éteint lors des deuils de ses deux compagnons morts du sida. Il a voyagé sans se disperser en allant voir ailleurs s’il y est. Digne héritier des chiffonnie­rs qui ramassent ce qu’ils trouvent, il transforme des déchets (tissus, papiers) en oeuvres. Bouhours compare sa pratique à celle d’Arman l’accumulate­ur. Il l’interroge, et s’interroge avec lui, sur l’art brut, dont relèverait sa pratique. Nedjar insiste sur « l’empathie physique » avec des oeuvres qui le « chargent » : celle d’Aloïse fut pour lui un puissant déclencheu­r. Elles lui transmette­nt de l’énergie ; sans être des choses à regarder, elles participen­t de son être. Nedjar est devenu une mémoire de l’art brut mais il s’échappe de ses origines et influences par des lignes de fuite dans des créations sans cesse renouvelée­s, à l’image de ses voyages.

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