Art Press

Christian Boltanski

- Anne Bertrand

Récits. Conversati­on avec Laure Adler

Flammarion, 176 p., 21 euros

L’art de Christian Boltanski (19442021), marqué par la Shoah et sa perception de ce à quoi tient l’existence humaine, la vie, la mort, l’identité, la mémoire et l’oubli, s’incarne dans un univers plastique dont témoignait sa dernière rétrospect­ive au Centre Pompidou, Faire son temps. L’artiste aimait aussi raconter des histoires, qui n’ont pas pris la forme d’écrits, mais de propos. En 2007, paraissait au Seuil la Vie possible de Christian Boltanski, résultant d’entretiens menés par Catherine Grenier – dans la collection Fiction & Cie. Les présents Récits sont issus de conversati­ons téléphoniq­ues avec Laure Adler, interviewe­use chevronnée. Boltanski se raconte, son enfance « très spéciale », ses débuts, ses rencontres. Il a eu « trois périodes créatrices » : 19691973, 1985-1987 (« liée à la mort de mes parents »), puis « il y a une quinzaine d’années, quand je suis devenu très vieux ». Il dit l’importance d’être « dans les pensées de la création » pour qu’une oeuvre chemine, avant d’advenir d’un coup. Constate : « Lorsque je suis devenu adulte, mon travail a évolué vers le visuel, et aujourd’hui c’est plutôt l’effacement, avec la possibilit­é de refaire les choses anciennes » – d’autres, après lui, les réinterprè­teront. Il a enfin conclu un pacte avec le diable, en Tasmanie – un collection­neur, joueur, auquel il a « vendu [sa] vie en viager », et qui a perdu son pari. Selon Laure Adler, l’ouvrage n’a « pas […] la moindre dimension testamenta­ire ». Il apparaît pourtant difficile de ne pas y voir une sagesse ultime, une lucidité manifeste dans la dernière réplique de l’artiste : « Peut-être suis-je plutôt quelqu’un qui essaie de poser des questions, comme un rabbin ou un moine bouddhiste, et qui tente de les poser pas forcément par des mots mais par des sensations ?» Son legs est inépuisabl­e.

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