Philippe Durand
Chauvet, l’aventure intérieure RVB Books, 96 p., 38 euros
Lauréat du deuxième concours de photographie de la grotte Chauvet, Philippe Durand vient d’éditer chez RVB un livre issu de ce travail exceptionnel dans la grotte ornée. Avec sa couverture amovible jaune transparente rappelant un filtre coloré, il évoque d’emblée le processus de travail qui a guidé le photographe au fil de ses quatre séances au sein de la cavité. Durand a en effet utilisé un appareil argentique, des filtres colorés et un système de double exposition donnant lieu à des surimpressions. Par ce dispositif de prise de vues, les eaux se fondent à la roche, la végétation aux ciels de traîne, les peintures pariétales aux concrétions. Plus ou moins abstraites, plus ou moins aqueuses, visqueuses, cristallines, minérales ou rocheuses, les images nous entraînent dans une expérience de dissolution temporelle aux accents hallucinatoires comme si de ces surimpressions incongrues naissaient des jeux de profondeur et de platitude hermétiques à toute forme de lisibilité et de déchiffrement des strates. Le dessin parfois dédoublé offre un trouble de la vision rappelant une vue stéréoscopique. C’est sans doute cette mise à mal de la perspective que nous invitent à considérer les grilles abstraites qui ponctuent l’ouvrage accompagné d’un très bel essai de Philippe-Alain Michaud qui revient sur l’approche méta-photographique de Durand et les liens souterrains qu’elle tisse avec l’approche archéologique. Si le papier brillant et épais peut surprendre au premier abord, il rappelle également le glacis de la peinture ou l’aspect humide et luisant de la roche. Tout en évitant le passéisme, il renvoie à la matérialité de l’image doublement en jeu dans les dessins préhistoriques et dans le processus analogique par lequel ils transitent dans les photographies de Philippe Durand.