Apichatpong Weerasethakul
Memoria
Fireflies Press, 190 p., 40 euros
Ce remarquable ouvrage, sobrement intitulé Memoria, suit les traces et prolonge, en quelques sortes, le chefd’oeuvre cinématographique éponyme (2021) d’Apichatpong Weerasethakul. Le projet est ambitieux, d’autant plus que le film, tant pour sa beauté que pour ses mystères, se suffirait aisément à lui-même. Alors, pourquoi ce livre ? Il y a d’abord une maison d’édition anglophone, Fireflies Press, qui n’en est pas à son coup d’essai en ayant permis, depuis 2014, à plusieurs cinéastes – et pas des moindres – de passer de l’écran à la page. Citons quelques noms : Pedro Costa, Ben Rivers, Alain Guiraudie, Albert Serra, Angela Schanelec, Agnès Varda, Abbas Kiarostami, Béla Tarr, Pier Paolo Pasolini et, déjà, Apichatpong Weerasethakul. Il y a, ensuite, pour celles et ceux toujours sous l’emprise du film, le plaisir d’en prolonger les rêveries et d’en mieux observer et comprendre l’élaboration. Aussi le livre offre-t-il la possibilité d’un cheminement à travers une forêt de documents. Après quelques lignes introductives de l’artiste, apparaissent fragments de scénario, croquis, photographies de repérage, de tournage, notes extraites d’un carnet de recherche, correspondances épistolaires, rapports scientifiques, articles de journaux, etc. Un corpus abondant et touffu – néanmoins respectueux de la construction du film en sa chronologie – qui procède d’un agencement (au sens deleuzo-guattarien du mot) et donne de précises indications sur la structure stratifiée des films de l’artiste. Il y a, enfin, les qualités éditoriales qui, outre conférer à l’ouvrage un caractère précieux le classant dans la catégorie « beaux-livres », accomplissent le passage (réussi) d’un film vers un livre (et réciproquement). L’un sondant l’autre, les deux se répondant, à la fois complémentaires et parfaitement autonomes.