Art Press

Marinette Cueco. L’Ordre naturel des choses

DUNKERQUE

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Laac / 16 octobre 2021 - 5 mars 2022

Marinette Cueco (née en 1934 en Corrèze) a sans doute évolué dans l’ombre de son mari Henri. Mais c’est à une belle (et certes tardive) découverte que convie le Laac (Lieu d’art et d’action contempora­ine) de Dunkerque. Quatre salles permettent ainsi d’entrer dans cet univers à la fois végétal et minéral sans jamais toutefois enfiler les habits de la rétrospect­ive chronologi­que. Elles s’enchaînent, toutes structurée­s par une thématique, qu’il s’agisse des tresses, des herbiers, des hivernages ou des ardoises. À chaque fois, une installati­on de grande envergure créée pour l’occasion en recouvre le sol au centre. Ici, c’est un cercle de pelotes de graminées, là, un carré de graines, ou ici encore, une ligne d’ardoises. Car l’art de Cueco dépend de la collecte d’éléments prélevés dans la nature, dans les prairies, les forêts ou même son jardin lorsque les ardoises du toit de la grange sont descellées par une bourrasque. Celles-ci sont récupérées, cousues entre elles ou deviennent le support de dessins et d’écritures. On songe à l’art pariétal et aux pointes de flèches néolithiqu­es, ou encore à Jean-Paul Forest qui coud les rochers dans les torrents de Tahiti. Il y a indé

Marinette Cueco. L’Ordre naturel des choses. Vue de l’exposition show view . (© C. Christiaen, Ville de Dunkerque) niablement une dimension land art chez Cueco (Richard Long ou Robert Smithson), mais les odeurs et les textures prennent finalement le pas sur la forme générale. Aujourd’hui, on penserait davantage aux oeuvres épicées d’un Ernesto Neto et, pour les références plus anciennes, il faudrait mentionner la fibre écologique d’un Jean Messagier, qui a très tôt milité pour la défense des rivières et des forêts, mais aussi les treillages d’un Daniel Dezeuze (l’esprit Support-Surface semble planer pas très loin).

Les « tableaux » de Marinette Cueco se caractéris­ent par une pratique savante et délicate du tressage (voir en particulie­r le beau Trois triangles de 1991). En graminées ou en fibre de lin, l’artiste élabore de fragiles toiles d’araignée ajourées. Un peu botaniste, Cueco commence ces oeuvres à la fin des années 1970. Elle collecte, garde tout, et consacre les hivers à élaborer des pelotes, ensuite exploitées dans les oeuvres : « Je n’arrive pas à jeter. Chaque fois que j’épluchais une gousse d’ail, je voyais cette pelure irisée, transparen­te… Alors, tout à coup, à la maison, nous n’avions plus le droit de jeter les pelures d’ail, les queues de cerise, les noyaux de prune, etc. Cette culture d’économie, de sobriété et d’utilisatio­n des déchets, elle vient de mon éducation, de ma vie dans la nature. (1) » Rien ne se perd, et c’est aujourd’hui ce qu’on appelle l’art du recyclage, pour une exposition dont l’intitulé, l’Ordre naturel des choses, évoque indubitabl­ement l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien.

Richard Leydier

1 Marinette Cueco, en conversati­on avec Évelyne Artaud, juillet 2020.

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Marinette Cueco (born 1934 in Corrèze) has likely operated in the shadow of her husband, named Henri. But it is to a beautiful (and admittedly belated) discovery that the Laac in Dunkirk leads us. Four rooms allow visitors to enter this universe both botanical and mineral, avoiding the pitfall of a chronologi­cal retrospect­ive. They follow one another, all structured by a theme, whether braids, herbariums, wintering or slates. Each time, a large-scale installati­on, especially created for the event, covers the floor in the centre. Here a circle of grass balls, there a square of seeds or a line of slate. For Cueco’s art depends on the collection of elements taken from nature, from meadows, forests or even her own garden when the slates on the barn’s roof are blown off by a gust of wind. These are recovered, stitched together or become the support for drawings and writings. Cave art and Neolithic arrowheads come to mind, or Jean-Paul Forest, who sews rocks in the streams of Tahiti. There is undeniably a land art dimension to Cueco’s work (Richard Long, Robert Smithson), but the smells and textures ultimately take precedence over the general form. Today one would think more of the spicy works of an Ernesto Neto, and for older references, one should mention the ecological fibre of a Jean Messagier, who early on campaigned for the defence of rivers and forests, but also the trellises of a Daniel Dezeuze (SupportSur­face spirit is in the air). Cueco’s “paintings” are characteri­zed by a skilful, delicate use of weaving (especially in the beautiful Trois triangles from 1991). The artist creates fragile spider webs from grass or linen fibre. A bit of a botanist, Cueco started to create these pieces in the late 1970s. She collects, keeps everything, and spends the winters making bundles, thereafter used in her works: “I can’t throw anything away. Each time I peeled a clove of garlic, I saw this iridescent, transparen­t peel... All of a sudden, at home, we were no longer allowed to throw away garlic peels, cherry stems, plum pits, etc. This culture of economy, frugality and waste recycling stems from my upbringing, from my life in nature.” (1) Nothing is lost, and this is what have come to be called the art of recycling, within an exhibition whose title, The Natural Order of Things, definitely recalls Pliny the Elder’s Natural History.

1 Marinette Cueco, conversati­on with Évelyne Artaud, July, 2020.

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