Art Press

David Novros

PARIS

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Galerie Max Hetzler / 15 janvier - 26 février 2022

Seulement six oeuvres. Mais d’une telle ampleur et d’une telle force plastique que l’environnem­ent des deux espaces de la galerie en est imprégné. Et c’est bien le but recherché par David Novros, cet artiste américain né en 1941, rattaché par la critique à l’art minimal des années 1960, mais qui n’a jamais été montré en France, malgré une belle reconnaiss­ance aux États-Unis. Cette exposition est donc une première importante.

Deux grandes pièces de métal, des cuivres peints (de 1995), semblent sorties d’une héraldique de la Table ronde, si ce n’est que leurs légers renflement­s en ronde-bosse – pouvant aussi évoquer les anciens cuivres martelés médiévaux – ont été obtenus à l’aide de petites charges explosives que l’artiste a déposées sur le « ventre » de ces mystérieux boucliers, en plein milieu du désert du Nouveau Mexique. Geste mythique peut-être, capable de relier, dans nos esprits, les anciennes traditions du métal à une époque beaucoup plus actuelle. À côté, une maquette en plâtre, étrange temple du soleil ( Solar Model, 2000), à l’atrium ouvert sur le ciel, fait écho aux maisons à fresques romaines ou aux kasbahs aux murs peints, et interroge les formes archétypal­es de l’architectu­re. Cette pièce rappelle aussi que Novros commença sa carrière en tant que fresquiste avant de connaître la célébrité grâce à l’exposition de ses oeuvres par la galerie Dwan, alors grande défenseuse du minimalism­e et du land art au début des années 1960 – y furent exposés Carl Andre, Sol LeWitt, Agnes Martin, Robert Morris, Robert Smithson, Donald Judd, Dan Flavin, Ad Reinhardt. Dans la deuxième salle, l’émotion kinesthési­que est à son comble. Au mur, de grands modules composés de Dacron – un textile synthétiqu­e – sont accrochés en rythme selon un agencement précis. Impossible de ne pas penser aux Stacks de Donald Judd (pour qui Novros réalisa une fresque au mur de son habitation new-yorkaise), aux briques de Carl Andre ou aux acryliques de Robert Mangold. Même souci de la forme géométriqu­e pure et de l’alphabet modulaire. Cependant, chez Novros, l’ambition est plus spatiale. Sur ces « L » blancs évoquant le jeu Tetris, une lumière bleutée due à de la poudre de Murano apporte une ombre vibrante à la surface de fibres laquées. En regard, une autre installa

tion murale composés de six modules noirs trouble la perception optique jusqu’à une sensation de rotation ou de translatio­n d’un même motif. Naissent des horizons picturaux qui se fondent dans l’espace, gommant la frontière entre forme et fond. Une émotion que Novros a ressentie lors d’un « Grand Tour » en Europe en 1963, voyage effectué trois ans avant la réalisatio­n de ces installati­ons murales et lors duquel il a été marqué par l’Alhambra à Grenade et les papiers découpés de Matisse.

Novros ne renie pas la forme, ni le symbole, il les essentiali­se, en y concentran­t leur charge historique et civilisati­onnelle. Cabossage de matières et coulures d’acrylique laissent même filtrer l’émotion. C’est peut-être pourquoi, lui, n’a jamais voulu être rattaché à l’art minimal.

Julie Chaizemart­in

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Only six works. But of such magnitude and visual force that the environmen­t of the gallery’s two spaces is completely filled by them. And this is indeed the aim of David Novros, this American artist born in 1941, who has been linked by critics to the minimal art of the 1960s, but who has never before been shown in France, despite his good reputation in the United States. This exhibition is therefore an important first.

Two large metal pieces, painted coppers (from 1995), seem originated from Round Table heraldry, except that the slight rounded bulges—which could also evoke ancient medieval hammered coppers—were obtained with the help of small explosive charges that the artist positioned on the “belly” of these mysterious shields, in the middle of the New Mexico desert: a legendary gesture, perhaps capable of connecting in our minds the ancient traditions of metalwork to a much more current era. Next to it, a plaster model, a strange temple of the sun ( Solar Model, 2000), with an atrium open to the sky, echoes Roman frescoed houses, or kasbahs with painted walls, and questions the archetypal forms of architectu­re. This room also reminds us that Novros began his career as a fresco artist until he gained notoriety, thanks to the exhibition of his work by the Dwan Gallery, at the time a strong advocate of minimalism and land art of the early 1960s (Carl Andre, Sol LeWitt, Agnes Martin, Robert Morris, Robert Smithson, Donald Judd, Dan Flavin, Ad Reinhardt). In the second room, kinestheti­c emotion reaches its peak. On the wall large modules made of Dacron—a synthetic textile—are hung in a precise rhythm of intervals. It is impossible not to think of Donald Judd’s Stacks (Judd, for whose home in New York, Novros created a fresco), Carl Andre’s bricks and Robert Mangold’s acrylics: the same concern for pure geometric form and the modular alphabet. However, Novros’ ambition is more spatial.

On these white “Ls” evoking the game Tetris, a bluish light due to Murano powder brings a vibrant shadow to the surface of lacquered fibres. At the opposite side, another wall installati­on composed of six black modules disturbs the optical perception to the point it provides a sensation of rotation or translatio­n of the same pattern. Pictorial horizons are created that melt into the space, blurring the boundary between form and content.

This is an emotion that Novros experience­d during a “Grand Tour” of Europe in 1963, a trip he made three years before creating these wall installati­ons. During that trip, he was impressed by the Alhambra in Granada and Matisse’s paper cuts. Novros doesn’t repudiate shape or symbol, he essentiali­ses them, condensing their historical civilisati­onal weight. The bumping of materials and the dripping of acrylics allow emotion to filter through. This is perhaps why he never wanted to be associated with minimalist art.

De haut en bas from top:

David Novros. Solar Model (2000) au premier plan foreground. Untitled (1995) à l’arrière-plan background.

Untitled. 1966-67. (© David Novros ; Ph. Nicolas Brasseur)

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