Art Press

Karine Miermont

- Jacques Henric

Vies de forêt

L’Atelier contempora­in, 208 p., 20 euros

À qui garde en mémoire la vision effrayante des récents incendies de forêt en Californie, à qui cherche à faire poids par le silence aux bruits et fureurs d’un monde en plein chaos, je ne saurais trop recommande­r la lecture du livre de Karine Miermont, Vies de forêt. Déjà son apaisant constat : « Animaux ni forêt ne parlent. C’est aller dans un monde où ça se tait, et on se tait ». Et pourtant, ça parle à qui sait entendre, entendre avec son corps, ses sens, sa mémoire, sa culture. L’oeil, bien sûr, est au poste de commande, chez Karine Miermont ; les premières pages du livre sont une superbe évocation d’un paysage de pré sous le vent. « On voit le vent », note-t-elle, c’est-à-dire le jeu des formes et des couleurs que le vent provoque dans la végétation et les ciels, au gré des jours et des saisons. Nous sommes dans les monts des Vosges, à la lisière de l’Alsace et de la Lorraine, un lieu encore béni des dieux de la nature, bien qu’il ait été durement marqué par les guerres de 1870, 1914 et 1939. C’est au sein de ce paysage que depuis des années Karine Miermont rejoint une imposante bâtisse appartenan­t aux ascendants de son mari, Mathieu, laquelle habitation est devenue son « mirador » d’où elle observe la vie de la forêt et de sa faune – cerfs, biches, chamois, sangliers, chats sauvages, renards, hérons, buses… – poste de guet qu’elle quitte pour de longues marches afin de se sentir habitée par le lieu. Si elle parle d’un hêtre ayant « perdu son bras », si elle dit se sentir « chat », pas de retour à quelque paganisme chez elle, ni de complicité avec les divagation­s antispécis­tes, simplement l’attention portée à des « vies insistante­s ». Et pour les dire, Karine Miermont a inventé une écriture singulière, rappelant tantôt leur souffle ample, tantôt leur rythme syncopé.

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