François Zumbiehl
Instants de sable
Ediciones Temple, 318 p., 20 euros
Nos sociétés occidentales, de cultures gréco-romaine, juive et chrétienne, enrichies par ce que fut l’esprit des Lumières, connaissent une mutation profonde, un effondrement aux yeux des penseurs les moins optimistes de notre présent. Que sera notre monde d’après ? Craignons le pire, des littératures, des arts sont en danger, et parmi ceux-ci, le plus menacé, un des arts les plus anciens de notre monde d’avant, l’art tauromachique. Art que François Zumbiehl, homme de grande culture, fin lettré, aficionado passionné et auteur de nombreux ouvrages de référence sur la corrida, assimile au théâtre, plus exactement à ce qu’il appelle un « théâtre de la vérité », entendons un théâtre tragique qui se joue en trois actes et dont la langue est parlée par le corps, en l’occurrence les corps du torero et du toro bravo. Comme le théâtre, comme la messe, comme la pratique des sacrifice dans les religions païennes, la corrida obéit à des règles techniques et esthétiques, à des rituels. Ce sont ses figures imposées, néanmoins diversement interprétées par le torero, que décrit minutieusement Zumbiehl, en en proposant – là est la richesse de son livre – les possibles significations (par exemple, les grimaces obligées du torero à certains moments de la corrida). Théâtre de la vérité, parce que, au contraire de la scène théâtrale et du jeu de ses comédiens, dans l’arène, c’est la mort, une vraie mort qui triomphe, celle inéluctable de la bête, celle, comme souvent, de l’homme. Le livre est bilingue, espagnol/français, préfacé par Andrés Amorós, accompagné des impressionnantes photos de Muriel Feiner et Andrew Moore, et des commentaires du torero Miguel Abellán : « La grimace peut être le reflet d’une jouissance, le reflet de l’artiste en train d’éclore et de se transformer en papillon. »