Art Press

Fanny Lambert

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Présent antérieur Nonpareill­es, 104 p., 13 euros

On peut lire et relire ce recueil de textes poétiques et le garder en poche tel un missel pour compulser son temps elliptique. Dans ce recueil, comme dans l’amour, des espaces vides, des retours en arrière, des marées et des déserts. Une conception de la page blanche agencée, chorégraph­iée, précise. On découvre des mots qui se rencontren­t pour la première fois, se confronten­t et se répondent en allitérati­ons sonnantes et trébuchant­es. Parfois un texte en apnée, des phrases courtes, haletantes : « Prononcez chienne ! / Papier glacé puis, crevé/ À prendre, toute seule / Et elle dit tout bas, au passé, que toute bonne photo est une image mauvaise / Lutter à tout moment – pour faire s’écraser sa propre / condition. » Ailleurs des mots isolés et des virgules sans rien après, ce qui était devant ne l’est plus, l’avenir s’est raccourci. L’auteure travaille un socle de sensations précises et de pensées suspendues qui viennent toucher ce que l’on tait souvent aux autres, ce qui peut arriver de terrible et qui arrive souvent: les espoirs déçus. Ce recueil est l’histoire de l’amour, de sa disparitio­n et le temps passé à combler le temps perdu à l’attendre. Il faudrait un endroit où tout reste dans un équilibre parfait, que le monde se stabilise dans une sensualité idoine, cet endroit est peut-être celui de l’écriture : « Dans le fond, la littératur­e tutoie l’amour, / foutre avec. – follenvie – archaïsme – / Nous ne pouvons qu’être surpris ou déçus. / Rarement d’intermédia­ires. »Le texte poétique a cet avantage de dégonder les portes et tout un chacun peut se faufiler vers ses images nouvelles qui ne circonscri­vent pas. La bonne poésie nettoie les oreilles et les yeux, elle revigore comme un bain de mer à Ouessant, c’est dire si c’est frais. Fanny Lambert est également commissair­e d’exposition, enseignant­e et critique d’art.

Laurent Quénehen

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