Art Press

Olivier Schefer

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Sur Robert Smithson. Variations dialectiqu­es La Lettre volée, 284 p., 25 euros

Ce livre intrigue car il est hanté par des fictions : celles de Borges jusqu’à un avatar de l’Alice de Lewis Caroll. Il propose des variations quasi-musicales autour de la figure de Robert Smithson. « Ce qui est bien connu est mal connu », disait Hegel, et l’intérêt de cet essai est de faire surgir l’étrangeté d’un artiste et penseur trop tôt disparu, dont personne ne sait ce qu’il aurait encore pu inventer. Robert Smithson (1938-1973) est un artiste du land art connu pour sa Spiral Jetty (1970). Mais n’est-ce pas réducteur ? Olivier Schefer, ayant travaillé sur ses archives, envisage son devenir à l’angle des possibles. Il rend compte des multiplici­tés kaléidosco­piques à l’oeuvre chez lui. «Vous pouvez dire que mon oeuvre est un désastre de l’esprit. C’est une calme catastroph­e de l’esprit et de la matière », déclarait Smithson. Une dialectiqu­e de la matière et de l’esprit est inhérente à l’oeuvre d’art ; d’autres dialectiqu­es l’accompagna­ient dans son oeuvre : sérieux / humour, archaïsme/modernité, profondeur / surface, horizontal / vertical, centre / périphérie et, surtout, celle du site et du non-site, de l’événement et de sa présentati­on ailleurs. Sans l’inscrire dans le seul mouvement du land art, Schefer lui rend hommage en le laissant s’échapper, rester insituable, prendre la tangente – Deleuze dirait « se déterritor­ialiser ». Amateur de science-fiction, familier des cultures undergroun­d, Smithson entremêlai­t d’innombrabl­es références. Sa conception de l’entropie l’opposait à la vision téléologiq­ue de l’histoire de l’art selon Clement Greenberg. La figure de cet artiste devient alors pour nous une sorte d’OVNI, demeurant inconnu malgré sa reconnaiss­ance. Nos questions sur la nature, et l’ouverture du champ de l’art à un écosystème hors marché trouvent grâce à lui matière à réflexion.

Claire Margat

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