Bernard Joubert

Les Trésors cachés de la BD érotique Revival, 352 p., 39 euros

Il est surprenant de constater que ce genre d’ouvrages puisse encore paraître en ces temps recroquevillés, où les nouvelles Ligues de Vertus surexcitées lancent anathèmes, injonctions et condamnations pour bien moins que ça. Cet ouvrage est passé à travers les mailles du filet. Espérons qu’ici, aucun lecteur bien intentionné ne le dénoncera à une quelconque association de bienfaisance mentale. Saphisme, inceste, machisme, détournement de mineurs, sadisme, prostitution, homosexualité, fétichisme, priapisme, voyeurisme, masturbisme, cunnilinguisme, etc. Tout est passé en revue à travers des récits plus ou moins bien dessinés, et pour la moitié un brin vulgaires – ce qui ne veut pas dire déplaisant – de type bédés de gares (ces petits formats qu’on trouvait dans le bureau de tabac du village : Kiss comix, BD Adult’, Torrid…). La plupart du temps, le style est réaliste mais on peut aussi trouver du Mandryka ou une parodie de Lucky Lucke qui rencontre Calamity Jane et tire plus vite que son ombre. Notons par ailleurs que le stade érotique est ici largement dépassé car les scènes sont dépeintes avec un caractère plus scientifique – voire anatomique – que suggestif (elles vous envoient dans la culture). En fait, rien ne ressemble plus à une bédé de cul qu’une autre bédé de cul où poncifs et lieux communs du genre semblent s’être donné rendez-vous. Intervertissons les dessinateurs en conservant les scénarios, on aurait exactement le même livre sans que personne ne s’en rende compte. Un appareil critique sous forme de notices renseigne chaque bédé comme, par exemple, dans un ouvrage sur Terre de Papeete et rites des bains qui serait publié par la RMN pour une expo au Grand Palais. Les trésors cachés de la BD érotique ? C’est une pierre fine pour la presse bien faite.

Philippe Ducat