Art Press

Frank Stella. Salmon Rivers of the Maritime Provinces

LUXEMBOURG

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Galerie Ceysson & Bénétière / 5 mars - 7 mai 2022

Dès l’entrée, on aperçoit les oeuvres récentes d’un artiste qui s’est fait rare en Europe ces derniers temps. Plus loin dans l’espace de la galerie, des oeuvres historique­s guident, à l’image d’une trame sous-jacente, notre parcours visuel. Frank Stella (États-Unis, 1936) a toujours travaillé par agrégation­s de plans picturaux. Les oeuvres récentes viennent donc naturellem­ent au premier plan, dernières émancipati­ons de cette grille picturale qui n’a cessé de l’obséder au long de sa carrière. Ses oeuvres, malgré leur aspect sculptural, sont une réflexion sur la peinture, la faculté qu’elle a de se renouveler, et elles montrent, malgré leur abstractio­n, sa capacité à définir le monde. D’où son intérêt pour Velásquez, Caravage, Léonard, autant de peintres qui ont redéfini la peinture, l’emmenant vers sa capacité de projection du réel.

Sous le titre bucolique Salmon Rivers of the Maritime Province (2021), les oeuvres récentes, suspendues à des structures métallique­s, ne semblent retenues qu’afin qu’elles ne puissent prendre leur envol, comme si Stella cherchait cette fois à capturer la peinture. Leur léger balancemen­t frotte l’air. Leurs volutes multicolor­es s’enchevêtre­nt avec complexité. Membranes intérieure­s d’un moteur de voiture ou d’un organisme vivant ? Tels des trophées, elles sont à hauteur de regard. On tourne autour, admirant leur aspect chirurgica­l. Trophées de peinture. Trophées de pêche aussi. Leurs titres évoquent des rivières et des lacs de Gaspésie, région du Québec où l’artiste aime séjourner, souvenirs aussi peut-être de parties de pêche avec son père. Alors, on se surprend à les regarder autrement. Elles dessinent maintenant des paysages, des poissons. Ce n’est pas la première fois que Stella use de noms de lieux pour ses séries. On pense à ses Polish Village de 1971-73 dont les titres évoquaient des synagogues juives de Pologne détruites par les Allemands. L’ambassadeu­r du formalisme, célèbre pour sa phrase « Ce que vous voyez est ce que vous voyez », est loin de s’absoudre d’une dimension poétique ou narrative, mais « c’est la première fois qu’il est aussi autobiogra­phique », souligne Bernard Ceysson. Stella continue d’explorer la fenêtre albertienn­e, comme il avait commencé de le faire dès la période minimalist­e, puis poursuivi dans les séries postérieur­es. Avec les oeuvres les plus récentes, l’illusion de la perspectiv­e est plus concentrée, proche d’une vision de l’infiniment petit. En contrepoin­t, deux oeuvres monumental­es de 2017 et 2019 tendent vers l’infiniment grand. Vers le cosmos même pour la grande étoile Monel Star, du nom de l’alliage dont elle est constitué, utilisé en astronauti­que. Stella signifie étoile. Minimalist­e, constructi­viste, baroque, expression­niste, illusionni­ste, maximalist­e… Voici le génie de Stella, sans frontière, mais fidèle à la peinture. Il est aujourd’hui futuriste.

Julie Chaizemart­in

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From the entrance, one sees the recent works of an artist who has made himself scarce in Europe lately. Further inside the space of the gallery, historical works guide our visual journey like an underlying framework. Frank Stella (USA, b. 1936) has always worked by aggregatin­g pictorial planes. The recent works therefore naturally come to the fore, the latest emancipati­ons of this pictorial grid that has obsessed him throughout his career. Despite their sculptural aspect, his works are a reflection about painting, its ability to renew itself. Despite their abstractio­n, they reveal its capacity to define the world. Hence his interest in Velásquez, Caravaggio, Leonardo, so many painters who redefined painting, highlighti­ng its faculty of projecting reality.

Under the bucolic title Salmon Rivers of the Maritime Province (2021), the recent works, suspended from metal structures, seem to be held up only in order for them to take off, as if Stella was trying to capture painting this time. Their slight swaying rubs up against the air.Their multicolou­red scrolls are intricatel­y intertwine­d. Interior membranes of a car engine or of a living organism? Like trophies, they are displayed at eye level. Visitors walk around them, admiring their surgical appearance. Painting trophies. Fishing trophies, too.Their titles evoke the rivers and lakes of Gaspésie, a region of Quebec which the artist likes to visit, as well as memories of fishing parties with his father. So we find ourselves looking at them differentl­y. They now form landscapes, fish. This is not the first time that Stella has used place names for his series. We are reminded of his 197173 Polish Village, whose titles evoked Jewish synagogues in Poland which had been destroyed by the Germans.

The ambassador of formalism, famous for his phrase “What you see is what you see,” is far from absolving himself of a poetic or narrative dimension, but “this is the first time that he has also been so autobiogra­phical,” Ceysson says. Stella continues to explore the Albertan landscape, as in the minimalist period, and then in the later series. With the most recent works, the illusion of perspectiv­e is more concentrat­ed, close to a vision of the infinitely small. In counterpoi­nt, two monumental works from 2017 and 2019 tend towards the infinitely large. Towards the cosmos itself for the great Monel Star, named after the alloy from which it is made, used in astronauti­cs. Stella means star. Minimalist, constructi­vist, baroque, expression­ist, illusionis­t, maximalist… This is Stella’s genius, without borders, but faithful to painting. Today, he is a futurist.

Frank Stella. The Miramichi (Version1) 2x and The Restigouch­e 1x. 2021. Peinture sur acier RPT paint on RPT steel. 221 x 162,6 x 96,5 cm. (© Studio Rémi Villaggi)

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