Fictions modestes et réalités augmentées
SÈTE
MIAM / 14 février - 18 septembre 2022
Contrairement à ce que laisse entendre l’intitulé, ce n’est pas là une exposition d’art numérique (bien qu’on y trouve quelques expériences en ce sens). Cette exposition (commissariat : Anne-Françoise Rouche et Noelig Le Roux) braque le projecteur sur les activités de la « S » Grand atelier, structure fondée il y a 30 ans par Rouche dans une ancienne caserne des Ardennes belges, et dont la raison d’être est d’amener des déficients mentaux sur les territoires de l’art. Autant dire qu’on nage ici en plein art brut. En Belgique, on surnomme les gens de la « S » les « punks du handicap ». Des artistes contemporains sont par ailleurs invités à collaborer avec les résidents.
Le titre de l’exposition s’éclaire : ces artistes en passent par des fictions plus ou moins modestes, et leur réalité est forcément différente. On y croise des peintures et des dessins, comme chez Jean Leclercq qui réinterprète Tintin à sa sauce, mais aussi des choses moins attendues, comme les créations textiles de Barbara Massart. Atteinte d’un handicap léger, elle refuse obstinément au début de créer quoi que ce soit. Puis le regard d’un photographe modifie son point de vue, et elle commence à imaginer d’étranges et effrayants costumes, exposés dans des défilés, portés dans un film.
Le morceau de bravoure est une réplique, légèrement cabossée, du grand retable de l’Agneau mystique de Van Eyck. Peint par Irène Gérard, le tableau clôt le parcours et amène avec lui un sentiment d’apaisement après une course folle.
Richard Leydier
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Contrary to what the title suggests, this is not a digital art exhibition (although there are some experiments in this direction). The exhibition (curated by Anne-Françoise Rouche and Noelig Le Roux) trains a spotlight on the activities of the “S” Grand atelier, an organisation founded 30 years ago by Rouche in a former barracks in the Belgian Ardennes, whose raison d'être is to involve mentally handicapped people in the territories of art. Suffice to say that this is an immersion into outsider art. In Belgium, the people of the “S” are nicknamed the “disability punks.” Contemporary artists are also invited to collaborate with residents.
The title of the exhibition becomes clear: these artists go through more or less modest fictions, and their reality is necessarily different. We come across paintings and drawings, like those of Jean Leclercq who reinterprets Tintin in his own way, but also less expected things, like the textile creations of Barbara Massart. Suffering from a mild disability, she stubbornly refused at first to create anything.Then a photographer’s gaze changed her outlook, and she began to imagine strange and frightening costumes, exhibited in parades, worn in a film. The centrepiece is a slightly dented replica of Van Eyck’s great altarpiece, the Adoration of the mystic lamb. Created by Irene Gérard, the painting closes the exhibition circuit and brings with it a feeling of calm after a crazy race.
Nicolas Clément. Série series Santa Barbara. 2016. Film