Art Press

Roberto Juarroz

- François Bordes

Poésies verticales I-II-III-IV-XI Gallimard, 368 p., 9,50 euros

Avec ce volume, le poète argentin Roberto Juarroz (1925-1995) rejoint enfin la collection poésie/Gallimard. Réginald Gaillard a rassemblé les tomes I à IV et XI de ses Poésies verticales, dans la traduction de Fernand Verhesen. Cette édition donne ainsi, en version bilingue, les premiers mouvements d’une oeuvre profondéme­nt influente, au titre unique, chaque volume étant numéroté comme une série de monochrome­s. Les autres tomes sont disponible­s au Seuil ou aux éditions José Corti. L’éditeur a eu ici l’excellente idée d’adjoindre aux poèmes le fulgurant essai Poésie et réalité, originelle­ment traduit aux éditions Lettres vives. Il permet de se plonger au coeur de ce que le préfacier nomme très justement « une poésie du penser ». Nourrie de philosophi­e (occidental­e et orientale), cette oeuvre cherche à saisir l’éclair de l’instant, à en approcher la fulgurance au travers des mots jetés dans le blanc de la page. Roberto Juarroz voit ainsi dans l’attente « un des fondements de la poésie, de la pensée et de l’art contempora­ins ». Cette attente pure, sans dieu et sans espoir, forme le coeur de sa poétique radicale qui « ne croit pas aux réponses ». « L’attente capitale » est le lieu de l’attention la plus aigüe. Elle exige de s’arrêter, de suspendre le temps, d’écouter la résonance du monde. La poésie verticale explore l’Impossible, la transcenda­nce sans dieu, « l’illuminati­on profane » dont parle Walter Benjamin. Proche de la pensée Zen, cette poésie métaphysiq­ue revenue du Tout poursuit le casse-dogme selon René Daumal. « Le poète cultive les fissures », dit génialemen­t Juarroz, telle est sa tâche : il demeure à l’avantgarde du projet moderne d’émancipati­on. Fissures, ouvertures, appels d’air : la poésie apparaît comme « l’exercice, la passion et le terrain de la liberté ».

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