Art Press

Valérie Mavridorak­is

Siah Armajani, pragmatism­e et anarchie (1957-1988) Les presses du réel, 382 p., 28 euros

- Paul Ardenne

Siah Armajani (1939-2020) quitte l’Iran en 1960, sa famille étant en délicatess­e avec le Shah, pour s’installer aux États-Unis, à Minneapoli­s, où il résidera le reste de ses jours. Artiste exilé, ses premiers travaux se focalisent sur la culture iranienne, la poésie notamment, et le recours aux mots. Suivront l’intérêt pour les chiffres et pour la communicat­ion, son oeuvre s’inscrivant bientôt dans le courant conceptuel, qu’il nourrit de ses apports (son Effaced Dictionnar­y de 1968, évoquant la censure). Artiste politique en butte à cette réflexion bientôt incessante : qu’est-ce qu’un art démocratiq­ue ?, Armajani se fera connaître encore par ce qui constitue la partie visible de son iceberg créatif, l’architectu­re pour le peuple. Celleci, pensée au regard de la promesse américaine de l’équité, dans les gènes du nouveau monde (une promesse pour finir non tenue et qui le décevra), prend la forme de dessins, d’installati­ons, de maquettes et de réalisatio­ns concrètes que porte l’idée du lien social (ses Ponts, notamment), se refusant au primat technocrat­ique (formes simples, modulaires, matériaux ordinaires). Insolite et passionnan­t. Cette étude, appuyant surtout sur les premières années de l’oeuvre (mais pas seulement), doit être saluée. D’abord, pour le focus mis sur un artiste trop peu montré, cité et référencé dans l’histoire de l’art contempora­in. Ensuite, du fait de son caractère encyclopéd­ique et analytique souverain, d’un niveau exceptionn­el. Valérie Mavridorak­is, spécialist­e de l’art américain et de la question cruciale de la destinatio­n de l’art, envisage l’oeuvre de Siah Armajani de manière totale, esthétique, psychologi­que, sociopolit­ique et culturelle, en témoignant d’une connaissan­ce approfondi­e de ce qui fait la création artistique, son contexte général et particulie­r.

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