Art Press

Megan Rosenbloom

- Laurent Perez

Des livres reliés en peau humaine

B42, 240 p., 24 euros

La bibliothéc­aire Megan Rosenbloom a développé une passion excentriqu­e pour les livres reliés en peau humaine, et court le monde à la recherche d’ouvrages de ce type, afin de retracer leur histoire et de les faire authentifi­er scientifiq­uement. Des livres reliés en peau humaine fait le bilan de ses découverte­s. Le récit est souvent picaresque : on s’amuse du spectacle de l’ex-vegan pataugeant en sneakers dans l’épais jus de viscères qui s’écoule des cuves d’un tanneur artisanal. Le propos est cependant solide, et pose des questions intrigante­s sur notre rapport au cadavre et à l’objetlivre. Une partie (minoritair­e) des ouvrages réputés en peau humaine s’avère banalement reliée en porc ou en veau. Même controuvé, la circulatio­n de ce mythe demeure un phénomène intéressan­t, notamment lorsqu’il met en jeu, de façon récurrente, des personnage­s historique­s de couleur, ou sollicite l’imaginaire de la Terreur ou du IIIe Reich. Les premières découverte­s de l’auteur – des reliures en peau de femme, confection­nées pour un médecin – semblent indiquer la piste attendue de la domination masculine ; mais les exemples les plus récents attestés (en 1934 !) sont l’hommage suprême d’un collection­neur blanc aux oeuvres de Phillis Wheatley, première grande poétesse noire américaine. La conservati­on de ces objets pose d’épineuses questions éthiques et légales. Là encore, rien n’est simple : le bandit George Walton n’a-t-il pas lui-même choisi de faire relier de sa propre peau le récit de ses aventures, qu’il avait dicté au directeur de la prison où il se mourait ? L’enquête ne fait que commencer : des collection­s privées françaises – et le musée Carnavalet ! – posséderai­ent de nombreux autres items, dont Rosenbloom ne cache pas avec quelle impatience morbide elle attend de pouvoir les examiner.

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