Contre-nature. La céramique, une épreuve du feu
MO.CO. Panacée / 21 mai - 4 septembre 2022
Parmi les expositions consacrées à la céramique ces derniers mois (1), Contre-nature (commissariat Numa Hambursin, Vincent Honoré, Caroline Chabrand) se distingue car, en limitant sa sélection à trente artistes, elle fait des choix quand d’autres expositions ont maladroitement tenté de susciter un sentiment d’exhaustivité tout en omettant des artistes incontournables. Surtout, elle met l’accent sur certains créateurs plus que d’autres (Anne Wenzel, Marlène Mocquet). Dès la première salle, on est bluffé (c’est le mot qui convient) par les sculptures de Claire Lindner. Réalisées en colombins, boudins à l’apparence de serpents enchevêtrés, un peu comme les reptiles colorés dans les photographies de Guido Mocafico, elles paraissent avoir la consistance tendre et molle de la mousse. Cet effet de trompe-l’oeil est dû à la manière dont les engobes et émaux sont vaporisés sur la terre avant cuisson. Contre-nature se concentre ainsi sur la manière dont les céramistes jouent avec la matière, la poussant dans ses retranchements, jusqu’à toucher parfois du doigt une certaine impossibilité, à l’instar des personnages en dentelle de céramique créés par Michel Gouéry. Les sculptures d’Elmar Trenkwalder exhalent un parfum de fin du monde. Les oeuvres d’Elsa Sahal sont proprement coralliennes. Celles de Johan Creten et de Sterling Ruby rivalisent au niveau de la masse. Les créations de Sylvie Auvray ne sont pas de grandes dimensions, mais elles sont disposées sur des socles figurant de faux rochers, constitués d’une âme en polystyrène recouverte d’une couche de résine aux reflets irisés, un peu comme les planches de surf. Tout comme Auvray, Marlène Mocquet dispose d’une salle où elle a imaginé une curieuse forêt plongée dans la pénombre, un peu comme une île qui rappelle le display sur une pelouse récemment réalisé dans son exposition à Arcueil, dans la galerie Julio Gonzalez. Et il y a enfin le magistral Silent Landscape de l’Allemande Anne Wenzel, soit une grande table noire recouverte d’une fine pellicule d’eau qui fait miroir et d’arbres en céramique décharnés. Au mur sont peints des paysages de mort, forêts liquides dévastées par un tsunami ou une tempête. Tout se reflète à la surface de cette eau mauvaise. C’est glaçant. Nous parlions d’île et de fin du monde, nous y sommes.
1 Les Flammes, Musée d’art moderne de Paris, 2021 ; Par le feu, la couleur, Musée des beaux-arts de Lyon, 2021-22 ; Toucher terre, l’art de la sculpture céramique, Fondation Villa Datris, Isle-sur-la-Sorgue, jusqu’au 1er novembre 2022.
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Of all the exhibitions devoted to ceramics in recent months (1), Contre-nature (curated by Numa Hambursin, Vincent Honoré, Caroline Chabrand) immediately stands out because, by limiting its selection to thirty artists (both new discoveries and experienced ceramists), it makes choices, whereas other exhibitions have clumsily tried to inspire a feeling of exhaustiveness whilst omitting essential artists. And above all, it focuses on certain artists more than others (like Anne Wenzel or Marlène Mocquet, which we will come back to). From the very first room, the visitor is bowled over (that’s the right word) by Claire Lindner’s sculptures. Made using the colombino technique, in coils that give them the appearance of entangled snakes, a bit like the coloured reptiles in Guido Mocafico’s photographs, they seem to have a soft and tender consistency like foam. This trompe-l’oeil effect is due to the way in which the engobes and enamels are sprayed onto the clay before it is fired. Contre-nature focuses on the way in which ceramicists play with matter, pushing it to its limits, sometimes coming within reach of a certain impossibility, like the figures in ceramic lace created by Michel Gouéry. ElmarTrenkwalder’s sculptures exude an end-of-theworld fragrance. Elsa Sahal’s works are positively coral-like. Those of Johan Creten and Sterling Ruby compete at the level of mass. Sylvie
Auvray’s creations are not large in size, but they are placed on pedestals representing fake rocks, consisting of a polystyrene core covered with a layer of iridescent resin, a bit like surfboards. Like Auvray, Marlène Mocquet is exhibiting in a room where she has imagined a curious forest immersed in the darkness, reminiscent of an island, which calls to mind the display on a lawn which she recently created for her exhibition in Arcueil, in the Julio Gonzalez gallery. And finally there’s the masterful Silent Landscape by the German artist Anne Wenzel, a large black table covered with a thin film of water which acts like a mirror, and scraggy ceramic trees. The walls are painted with landscapes of death, liquid forests devastated by tsunamis or storms. Everything is reflected on the surface of this bad water. It’s chilling. We were talking about islands and the end of the world, and here we are.
1 These include Les Flammes, Musée d’art moderne de Paris, 2021; Par le feu, la couleur, Musée des beaux-arts, Lyon, 2021-22; and also the Fondation Villa Datris in L’Isle-sur-la-Sorgue, Toucher terre, l’art de la sculpture céramique, until November 1st, 2022.
Anne Wenzel. Silent Landscape (détail). 2006. Céramique, eau, bois, peinture murale ceramic, water, wood, wall painting. (Court. l’artiste, galerie Suzanne Tarasieve, Paris, et AKINCI Amsterdam ; Ph. Nicolas Brasseur)