Witold Gombrowicz
Le Sain Esprit de contradiction Bourgois, 208 p., 19 euros
Extraits pour la plupart des deux volumes de Varia, à quoi s’ajoutent quelques inédits, les textes qui composent le présent volume constituent une sorte d’art poétique gombrowiczien – lequel ne se manifeste jamais mieux que par la critique et l’ironie. Critique, en effet, le fait d’ôter in extremis une préface au recueil de nouvelles Bakakia, à cause de sa « simplification inexacte et superficielle du texte », et de la « vision du monde sinistre, érotico-sensuelle et franchement monstrueuse » qu’elle donne ; fausse prétérition, bien sûr, qui conduit Gombrowicz à une déclaration à la Magritte : « Ceci n’est nullement une préface. » Critiques aussi les premiers chapitres abandonnés de Ferdydurke, dont l’auteur disait à Virgilio Pinera qu’il ne désespérait pas de voir triompher le « ferdydurkisme » sur le continent latinoaméricain, où l’auteur avait émigré, ajoutant ceci, qui annonce Deleuze à propos de Kafka : « Nous, les nations mineures, nous devons laisser la tutelle de Paris et essayer de nous comprendre directement. » La partie de critique littéraire est de la même veine, et nous intéresse moins pour les livres recensés que pour l’ironie de telle remarque digne de tourner à l’aphorisme : « Nous voulons être authentiques et nous oublions qu’en littérature la vérité doit être arrosée d’une sauce de mensonge » ; ou encore : « Je préfère un imbécile vivant concret et authentique à un raisonneur qui prend des poses » ; et ceci : « Il me semble que ma littérature possède une particularité magique qui fait perdre leur équilibre aux critiques. » Quant à l’orgueil et au souci du réel, Gombrowicz dit les devoir à Dostoïevski, ce qui est « très nécessaire à notre époque où l’inéluctable croissance démographique mène, contre toute inflation, à la dévaluation de l’homme ».