Philippe Comar
De la tyrannie des cartels L’Échoppe, 32 p., 5 euros
Par cet essai dense qui résume l’histoire de la peinture depuis son origine, où le peintre devait noter par écrit ce qui était représenté, jusqu’à la Trahison des images de René Magritte, inversion espiègle du procédé avec la formule « Ceci n’est pas une pipe », Philippe Comar invite à réfléchir sur plusieurs sujets : celui de l’attribution, qui a un double sens – un tableau « de » pouvant être, à la fois, un portrait, la représentation d’un personnage, et la production personnelle d’un peintre. Pourtant, la signature, autre problème, n’est apparue que fort tardivement; Comar la relie à l’invention de la perspective: le peintre étant moins celui qui a réalisé le tableau que celui qui a choisi le point de vue et témoigne de ce qu’il a vu. Mais depuis quand nous indique-ton ce qui est à voir par ces petites pancartes qui accompagnent désormais la visite d’un musée, qui plus est agrémentées de QR codes? Leur prolifération est récente, et les cartels ont vite cessé d’être informatifs pour formuler des injonctions, nous dire ce qu’il faut voir, recouvrir le voir d’un savoir. Ils sont soumis à révision : Nègre, costume algérien de Charles Cordier (1857) devient Homme du Soudan. Les titres ne sont pas tous descriptifs. Le décalage absurde entre l’intitulé et le tableau, courant chez les dadaïstes et surréalistes, est évoqué par plaisanterie quand Marcel Proust écrit que nous avons de l’image que les autres ont de nous « le même soupçon d’une erreur que le visiteur d’une exposition qui, devant un portrait de jeune femme, lit dans le catalogue Dromadaire couché ». Il y a belle lurette que les cartels ont remplacés les catalogues, en réponse au besoin de médiation que les institutions culturelles imposent, comme si l’on se défiait du plaisir de regarder au profit d’explications trop souvent inutiles.