Art Press

Chercher l’or du temps. Surréalism­e, art naturel, art brut, art magique

VILLENEUVE-D’ASCQ LaM / 14 octobre 2022 - 29 janvier 2023

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Que sait-on rétrospect­ivement d’une époque antérieure quand les jeux sont faits ? Les oeuvres et les documents sur des positions esthétique­s et politiques que l’on nous convie à examiner nous amènent à nous demander ce qui fut le produit d’une histoire et ce qui nous concerne encore. « L’or du temps » serait-il ce qui reste d’un travail d’historien semblable à celui d’un orpailleur ? On le ressent devant des objets naturels dont la valeur esthétique et poétique semble sans commune mesure avec leur origine. Y aurait-il de l’art naturel, comme l’indique le sous-titre de l’exposition Chercher l’or du temps? Ce débordemen­t interroge les frontières de l’art. Extrêmemen­t riche en trouvaille­s poétiques, en objets naturels dits « bruts » par Charlotte Perriand qui les photograph­iait, ce parcours chronologi­que étonne et interpelle. Plus qu’une histoire de l’art qui sépare les courants – surréalism­e d’un côté, art brut de l’autre –, l’exposition procède par décloisonn­ements et a l’avantage paradoxal de mettre en avant des hésitation­s, d’envisager des possibles irréalisés, des tentatives inabouties. L’Almanach de l’art brut n’a pas été publié du vivant de Dubuffet. L’Art magique, commande éditoriale que Breton avait acceptée sans enthousias­me, peine à définir son objet. Les histoires de l’art, de la psychiatri­e, de l’ethnograph­ie interfèren­t. En revanche, l’effervesce­nce des revues surréalist­es, la Révolution surréalist­e, le Surréalism­e au service de la révolution, Minotaure (parmi lesquelles figure curieuseme­nt Documents, qui s’opposait au surréalism­e et dont l’iconograph­ie se voulait encore plus perturbant­e), donne la mesure d’une activité intellectu­elle et artistique intense qui cherchait à rallier, former un groupe, créer des communauté­s pour contrer un ordre établi détestable. Le surréalism­e a d’abord réuni des poètes même si de nombreux peintres furent attirés par lui : Brauner, Dalí, Miró, Tanguy, Toyen, Kopak et Ernst, qui fit découvrir au groupe le livre de Hans Prinzhorn sur « l’art des fous », Expression­s de la folie (1922), etc. Tous sont exposés, ainsi que Dubuffet, peintre et écrivain habile et narquois, attaché à l’art plastique sous toutes ses formes – alors que les écrits bruts qu’il collectait restent totalement en marge de la littératur­e. Foncièreme­nt individual­iste, il considérai­t comme « bruts » des individus inspirés toujours isolés, fuyant tout ce qui ressemble à une communauté – et incapables, à l’exception des médiumniqu­es qui firent bande à part, de rendre publics les produits de leur art. Aucun des bruts historique­s présentés – de nombreux patients psychiatri­ques dont on doit se réjouir de les voir si bien choisis et exposés: Corbaz, Hodinos, Wölfli, d’autres et des anonymes… – ne font exception à cela, sauf Chaissac, qui refusait cette étiquette, ou peutêtre Schröder-Sonnenster­n. Désenclave­r l’art brut ne doit pas faire oublier cette différence majeure.

Claire Margat

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What do we know about previous eras in retrospect, when the chips are down? The works and documents on display, about aesthetic and political positions, lead us to question what the product of a given history was, and what is still relevant to us. Might “the gold of time” be the remnants of an historian’s work, comparable to that of a gold miner? You can feel it in the presence of natural objects whose aesthetic and poetic value seems incommensu­rate with their origins. Is it a question of natural art, as indicated by the subtitle of the Chercher l’or du temps exhibition? This outpouring calls the boundaries of art into question. The astonishin­g and challengin­g chronologi­cal circuit is extremely rich in poetic dis

coveries, in natural objects qualified by Charlotte Perriand, who photograph­ed them, as “brut” (“raw”). Beyond providing a history of art to distinguis­h between the currents—Surrealism on one side, art brut on the other—, the exhibition proceeds by decompartm­entalisati­on and has the paradoxica­l advantage of highlighti­ng hesitation­s, unrealised possibilit­ies and unfulfille­d attempts. L’Almanach de l’art brut remained unpublishe­d during Dubuffet’s lifetime. L’Art magique, an editorial commission which Breton had accepted without much enthusiasm, struggles to define its object. Interferen­ces come from the histories of art, psychiatry and ethnograph­y. On the other hand, the effervesce­nce of the Surrealist magazines, La Révolution surréalist­e, Le Surréalism­e au service de la révolution, Minotaure (curiously, Documents is included amongst them, a magazine which opposed Surrealism and whose iconograph­y was meant to be even more disturbing), gives the measure of an intense intellectu­al and artistic activity that sought to rally people together, to form a group, to create communitie­s in response to a detestable establishe­d order. Surrealism first assembled poets, even though many painters were attracted to it: Brauner, Dalí, Miró, Tanguy, Toyen, Kopak and Ernst, who introduced the group to Hans Prinzhorn’s book on the “art of mad people,” Artistry of the Mentally Ill (1922), etc. All of these artists are on display here, along with Dubuffet, a skilful and sardonic painter and writer, attached to visual art in all its forms— whilst the “brut” writings he collected remain entirely on the margins of literature. Inherently individual­istic, he considered as “brut” those inspired individual­s who were always isolated, fleeing from anything that might resemble a community—and, with the exception of psychics who kept to themselves, unable to make the products of their art public.The historical ‘bruts” on display—many of them psychiatri­c patients whose exemplary selection and exhibition must be commended: Corbaz, Hodinos, Wölfli and others, including anonymous artists—are no exception, apart from Chaissac, who refused the label, and perhaps Schröder-Sonnenster­n. Opening up art brut must not lead us to forget this major difference.

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view. (Ph. Nicolas Dewitte / LaM)
Chercher l’or du temps. Surréalism­e, art naturel, art brut, art magique. Vue de l’exposition show view. (Ph. Nicolas Dewitte / LaM)

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