Art Press

Géraldine Le Roux

- Paul Ardenne

L’art des ghostnets

Muséum national d’Histoire naturelle, 448 p., 39 euros Sous-titrée « Approche anthropolo­gique et esthétique des filets-fantômes », cette somme originale et très informée signée de l’anthropolo­gue et commissair­e d’exposition Géraldine Le Roux se consacre à l’art du « ghostnet », une spécialité des zones côtières. Qu’est-ce qu’un ghost net, littéralem­ent un « filet-fantôme » ? Les estrans, en bordure des littoraux marins, sont de longue date des zones à débris, dont ceux de la pêche, notamment les filets perdus en mer et drossés à la côte par les vagues. Ces laisses sont à la fois un matériau polluant (invasif et générateur, par usure, de microplast­iques) et un médium à l’origine de nombreuses créations plasticien­nes. Ces dernières émanent d’autodidact­es autant que d’artistes spécialisé­s dont certains ont pu faire carrière et voir rayonner leur art au plus loin. La zone géographiq­ue où l’auteure, spécialist­e de l’art autochtone océanien, a mené son enquête est en priorité celle du Pacifique, chez les aborigènes australien­s, les Maoris ou les Kanaks. Le « filet fantôme » tel qu’on le transforme en ces lieux chargés de sacralité n’est pas que décoratif. Il est diversemen­t une offre esthétique, une création animiste ou une citation de l’ordre ancestral venant prendre des formes variées évoquant l’art brut, voire l’arte povera: animaux marins tels que méduses, poissons, cétacés, poulpes, oiseaux ou crocodiles, ou encore des figures humaines, symbolique­s et rituelles. Cette production vernaculai­re, riche de son esthétique propre, tire parti du recyclage et constitue une réponse inattendue à la pollution des côtes. L’art du ghostnet, en cela, prend le relais des pratiques artistique­s de nettoyage ( Cleaning Art), devenues courantes depuis les années 1970, pour faire du déchet marin un objet d’art, dans l’esprit du Trashion d’une Marina DeBris.

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