Julien Gaillard Frédéric Vossier
Grand Palais
Les Solitaires intempestifs, 64 p., 13 euros Grand Palais est le texte d’une pièce de théâtre mis en scène par Pascal Kirsch, dont la représentation sera donnée du 1er au 3 mars à la Comédie de Reims, et du 10 au 16 mars au TNS. Il s’agit d’un poème d’amour, de mort et de merde, sur l’irréparable. Que s’est-il passé cette nuit d’octobre 1971 où Georges Dyer s’est donné la mort dans la chambre d’hôtel de son amant, Francis Bacon, venu à Paris pour sa consécration au Grand Palais? La littérature dramatique participe du champ littéraire, avec une liberté folle – comme ce texte écrit par deux auteurs, dans une unité de voix qui renvoie à l’union discordante de toute passion. Comment ont-ils fait ? Qui a écrit quoi dans ce dialogue tissé de citations de T.S. Eliot ou de Yeats, de notations évoquant des oeuvres d’art? Ce dispositif n’est pas seulement une exhibition atroce de l’univers mental des auteurs, mais une matrice à explorer l’univers culturel de deux amants – et d’une oeuvre : « Il faut tenter de figurer. La/ fracture et le reste. Car tout est figurable. Tout. Tu/ m’entends? – Messieurs on va fermer. [Hurry up/ please it’s time] Il suffit de trouver la faille à travers/ quoi trancher dans la foule d’images qui nous sautent/ dessus. D’images déjà faites (déjà vues). » Mais la pièce n’expose pas un programme esthétique, elle se tend en Éros et en drame. L’abstraction du discours se dépouille dans une écriture à l’os, qui dit l’indicible d’une passion renvoyant au jeu de rôle, où l’un fut Bacon l’autre Dyer ? Ils ne disent rien de leur méthode et le lecteur tente de démêler les langues: « Un ciel de miel où la foudre s’englue. » Gaillard? Et Vossier ? L’intrusion des frères Kay, deux gangsters notoires du temps de Bacon? Mais la tierce langue est solide dans ses soubresauts même. Ainsi, les deux sont-ils capables de ces images-tesson de bouteille : «Tu ris en poussant ton pied sur ma tête. »