Vincent Chevillon
Lisières
Pétrole, 90 p., 32 euros Lisières fut d’abord une exposition accueillie par Stimultania à Strasbourg, puis par le Collège des Bernardins à Paris. C’est aujourd’hui un grand livre souple et soigné, le deuxième publié de Vincent Chevillon. Prises pour les premières il y a 15 ans, toutes les photographies, en noir et blanc ou couleur, sont carrées, parfois dynamisées par un montage en grille ou de sobres effets de superposition. Elles ressortent de deux corpus apparemment opposés que la mise en page entremêle. Le premier réunit des images prises dans des réserves de muséums d’histoire naturelle, comme celui de Strasbourg où, pour cause de travaux, on a placé des spécimens comme on pouvait dans les combles. Le second est le fruit des voyages de l’artiste en quête d’espaces naturels. Mais on est loin de l’iconographie grandiose de Yellowstone. Ici, le ciel est rare, le photographe scrute des détails, branches, feuillages, racines, rochers, mais aussi traces humaines ou animales. Ces dernières sont les plus discrètes, à l’instar de ce nid dans un talus. Comme l’écrit Anne Bertrand, bien connue des lecteurs d’artpress, « ces photographies ne documentent pas, n’esthétisent pas. Elles saisissent, révèlent ce que nous n’aurions pas vu, ce que nous devons voir, pour mieux le respecter ». Cet appel à l’attention, que l’autrice développe dans des textes plus libres, tranche avec la prédation et la classification au fondement des muséums. Pour autant, on aurait tort d’opposer les deux corpus comme la mort et la vie, la culture et la nature. Selon la contribution de Grégory Quenet, historien de l’environnement, « l’habiter et le classer, la personne organique et la personne connaissante sont […] ici renvoyées dos à dos ». Chevillon se situe à la lisère, limite entre deux milieux, et propose avec justesse une « esthétique de la réconciliation ».