Anouchka d’Anna
Hunter et ses Mickeys Bouquins, 208 p., 19 euros
Écrivain et psychanalyste, Anouchka d’Anna est bien armée pour observer ce qui se déroule « à faible bruit » au sein de nos cités frappées par le thanatocapitalisme : la chasse à l’amant ou à l’amante, au coup d’un soir. Taraudée par le désir, Annabelle, la protagoniste, s’inscrit sur un site de rencontres, Hunter. La chasse à l’homme commence, elle le traque tout en s’en faisant la proie, c’est la loi du genre. Les profils aussi divers que variés alternent, mais au final tous sont décevants et souvent stéréotypés – elle les nomme des « Mickeys ». Les rencontres ratées – érotiques ou non –, parfois drôles, pathétiques ou touchantes s’enchaînent à la recherche du « bon moment », donnant ainsi une galerie de portraits rocambolesques. Jouir mais sans désir, peut-être n’y a-t-il rien d’autre à faire pour cette Diane postmoderne, finalement assez proche d’une Emma Bovary dans ses aspirations à l’Amour. Chronique acerbe d’une misère sexuelle ordinaire : Annabelle a beau se sentir féministe, son « cul est phallocrate », et il lui faut « vivre avec cette contradiction ». Sans se départir de sa lucidité et de sa drôlerie, elle voyage d’il en il sur le continent noir de la masculinité et étudie ses moeurs, menée par ses propres fantasmes et ceux de ses partenaires qu’elle questionne avec son psychanalyste tout en écrivant. L’aventure littéraire est encore la seule qui échappe aux algorithmes. C’est un roman sur la solitude, paradoxalement peuplé de personnages, où l’auteur nous ouvre les portes de la sexualité contemporaine avec humour et assez d’ironie et d’autodérision pour rendre sa quête (voire son enquête) sur le vit (et le vif) passionnante. Un délicieux moment de littérature et un récit plus riche et profond que pourrait le laisser entendre son titre badin.