Agnès Varda

Cléo de 5 à 7 (scénario) Gallimard, « L’imaginaire », 176 p., 12,50 euros

Remarquable par sa valeur littéraire, et initialement publié dans la collection « Blanche » en 1962, le scénario de Cléo de 5 à 7, film important dans l’histoire de la Nouvelle Vague, est aujourd’hui disponible dans la collection « L’imaginaire ». Le livre est accompagné de 55 photogrammes réalisés à partir de la version restaurée du film, et qui ne sont pas sans rappeler des cartes postales du Paris des années 1960. Cette oeuvre d’Agnès Varda opère un renouvellement de la forme narrative au cinéma, c’est-à-dire son lien, parfois indispensable, avec la littérature. Comment ne pas songer au mélancolique personnage de Malte Laurids Brigge de Rilke découvrant Paris au siècle précédent, quand nous regardons les déambulations de Cléo (incarnée par Corinne Marchand), le jour du solstice, dans ce Paris à l’atmosphère toujours étrange, les après-midis d’été? On songe aussi au Spleen de Paris – référence baudelairienne également présente dans d’autres films de Varda comme le court-métrage les Dites Cariatides (1984) et Jacquot de Nantes (1991). La jeunesse et la beauté de Cléo, chanteuse de variétés qui trompe le temps en attendant les résultats d’analyses concernant un éventuel cancer et ce Paris où elle se mesure à son angoisse deviennent de singulières et poétiques clés de l’histoire, tout comme le découpage du film en treize brefs chapitres symboliques. La fragilité de la beauté physique et l’indifférence du monde extérieur ne sont pas en contradiction : elles font partie intégrante de la vie humaine ; restent le génie d’Agnès Varda et sa capacité à saisir ce moment de profondeur par une jeune personne insouciante, qui se dit à elle-même : « Être laide, c’est ça la mort… Tant que je suis belle, je suis vivante et dix fois plus vivante que les autres. »