Bertrand Schefer
Francesca Woodman P.O.L, 79 p., 15 euros
Née en 1958, Francesca Woodman prend son premier autoportrait à 13 ans et se suicide à 22, laissant derrière elle des centaines de mises en scène aux allures d’improvisations, surtout d’elle mais aussi d’amis, le plus souvent nus dans des intérieurs délabrés. Empruntant à la tradition gothique comme à l’esthétique surréaliste tout en faisant écho à ses compatriotes Ralph Eugene Meatyard ou Arthur Tress, son oeuvre frappe par sa précocité, son intensité et sa brièveté. Pourtant, Bertrand Schefer cherche moins à percer le mystère de ces « cérémonies secrètes » qu’à se rapprocher de leur autrice : « Être là près d’elle quelques secondes pour la voir agir, c’est peut-être tout ce que je cherche », écrit-il au début de son court récit en lieu et place du « solide roman » qu’il ambitionnait. Nulle exofiction à la mode d’artistes mais des fragments de vie: les allers et retours entre les États-Unis et l’Italie, le premier appareil de photographie, une séance dans un cimetière, les années à la Rhode Island School of Design de Providence, etc. Sans doute Schefer sacrifie-t-il trop à la fascination que suscite Woodman – « [...] l’adolescente entre dans la photographie comme la foudre, et ce qui suit s’appelle une légende » – et son empathie, plutôt juste tout au long du livre, confine à l’obscène dans les pages sur son suicide, même s’il finit par reconnaître, à juste titre : « […] on saura toujours qu’on n’en sait rien. » Mais l’originalité de cet ouvrage est que Schefer s’engage, avouant ses premières réactions, plutôt indifférentes aux images de Woodman, puis sa hantise et ses raisons profondes: « Et je comprends: être enfermé avec une femme qui part à la dérive – je viens de là. Ces images me montrent le lieu mental et physique d’où je viens, où je suis né […] » Ce lieu, c’est l’appartement familiale et cette femme, c’est sa mère.