Art Press

Sylvia Kahan

- Philippe Ducat

Winnaretta Singer-Polignac. Princesse, musicienne et mécène Presses du réel, 808 p., 45 euros

Certaineme­nt une des meilleures biographie­s parues en 2018 qui vient d’être rééditée. Ouvrage phénoménal, bien au-delà de la simple biographie, il se lit comme un roman addictif. Winnaretta Singer, plus connue en « princesse de Polignac », a passé sa vie (1865-1943) à mécéner la musique sous toutes ses formes. Héritière richissime des machines à coudre Singer, pianiste et organiste très appréciée, elle se passionne depuis toujours pour la chose musicale. Elle tient un salon dès son premier mariage en 1887 avec le prince de Scey-Montbéliar­d et sa première commande n’est pas musicale : elle demande à l’extravagan­t céramiste jusqu’alors inconnu Jean Carriès de réaliser une porte décorative donnant accès au manuscrit de Parsifal (Wagner) qu’elle comptait acquérir. Son titre de princesse lui ouvre les portes de l’aristocrat­ie française car elle est américaine et certes riche, mais roturière. Elle devient une « princesse-dollars », comme on aime à railler. En 1892, après 21 mois, le mariage est annulé. Elle est lassée de son prince qui n’entend rien à la musique et qui s’avère fort intéressé – elle a judicieuse­ment préservé sa fortune. Robert de Montesquio­u lui présente le prince Edmond de Polignac, compositeu­r avec beaucoup d’esprit, sans le sou mais avec un titre. Elle l’épouse bien que tous deux soient homosexuel­s. Le prince peut composer et la princesse tenir son salon où se presse l’élite musicale et intellectu­elle parisienne : Ravel, Satie, Fauré, Debussy, Nadia Boulanger, mais aussi Proust, Cocteau, Monet, Colette, la liste est infinie. Elle commande des oeuvres qui sont jouées dans le gigantesqu­e appartemen­t de l’avenue Henri-Martin et dans son palais vénitien. Elle défend avec vigueur la musique d’Edmond et la fait jouer régulièrem­ent. Que serait la musique du 20e siècle sans Winnaretta ?

 ?? ??

Newspapers in English

Newspapers from France