Sylvia Kahan
Winnaretta Singer-Polignac. Princesse, musicienne et mécène Presses du réel, 808 p., 45 euros
Certainement une des meilleures biographies parues en 2018 qui vient d’être rééditée. Ouvrage phénoménal, bien au-delà de la simple biographie, il se lit comme un roman addictif. Winnaretta Singer, plus connue en « princesse de Polignac », a passé sa vie (1865-1943) à mécéner la musique sous toutes ses formes. Héritière richissime des machines à coudre Singer, pianiste et organiste très appréciée, elle se passionne depuis toujours pour la chose musicale. Elle tient un salon dès son premier mariage en 1887 avec le prince de Scey-Montbéliard et sa première commande n’est pas musicale : elle demande à l’extravagant céramiste jusqu’alors inconnu Jean Carriès de réaliser une porte décorative donnant accès au manuscrit de Parsifal (Wagner) qu’elle comptait acquérir. Son titre de princesse lui ouvre les portes de l’aristocratie française car elle est américaine et certes riche, mais roturière. Elle devient une « princesse-dollars », comme on aime à railler. En 1892, après 21 mois, le mariage est annulé. Elle est lassée de son prince qui n’entend rien à la musique et qui s’avère fort intéressé – elle a judicieusement préservé sa fortune. Robert de Montesquiou lui présente le prince Edmond de Polignac, compositeur avec beaucoup d’esprit, sans le sou mais avec un titre. Elle l’épouse bien que tous deux soient homosexuels. Le prince peut composer et la princesse tenir son salon où se presse l’élite musicale et intellectuelle parisienne : Ravel, Satie, Fauré, Debussy, Nadia Boulanger, mais aussi Proust, Cocteau, Monet, Colette, la liste est infinie. Elle commande des oeuvres qui sont jouées dans le gigantesque appartement de l’avenue Henri-Martin et dans son palais vénitien. Elle défend avec vigueur la musique d’Edmond et la fait jouer régulièrement. Que serait la musique du 20e siècle sans Winnaretta ?