Souvenir Works
oreille, une femme répond par des protestations et des cris qui se répercutent sur les pierres grises de l’Entrepôt Lainé. Le côté obscur de ce drame accentue celui de l’architecture et provoque une déstabilisation, génère l’incertitude et le malaise. La proposition de Sarkis, avec notamment la propagation ardente de ce feu de réminiscences des 14 lustres de néon rouge de ses Ateliers brûlés (2000) et le chatoiement de 17 tapis provenant de pays en guerre, impose un éclatement de signes, de scènes et d’énigmes qui est d’abord un questionnement sur le monde, et ce questionnement a pour préoccupation principale l’activation généreuse d’un processus de transformation. L’île à la dérive de Jessica Stockholder, cette « géométrie dansante » composée des protagonistes que sont une estrade, des gradins, des constructions, des appareils électroménagers, une cérémonie incertaine, la couleur et la lumière, se met en constante tension avec les limites du plan rectangulaire central. Dans ce même espace, l’installation Amacario (2003) du « laboratoire d’art urbain » Stalker se constitue d’un drap de 1,40 m de large et de près d’un kilomètre de long et invite le visiteur à se déplacer puis, dans ses multiples boucles proposées comme des hamacs, à se délasser, se balancer mais aussi à regarder dans une position inhabituelle ce qui l’entoure. Dans cet édifice soucieux d’harmonie et d’équilibre, La mamma di Boccioni in ambulanza e la fusione della campana (2007) de Diego Perrone, pattes et ailes dépliées, évoque une sorte d’insecte engendré par un ancien rituel sauvage et propulsé vers le futur. Son besoin d’expansion et d’absorption se révèle infini car son exigence se veut monstrueuse et entraîne dans un univers mental vaste et éloigné de toute définition. L’incongruité décapante des peintures monumentales de Jim Shaw bouscule la contemplation architecturale et convoque les peurs déraisonnables et les mauvaises fièvres d’une société américaine figée dans l’étroitesse d’anciens schémas et taraudée par l’hystérie millénariste. Dans l’obscurité de la grande nef, l’installation Hear, There, Where the Echoes Are (2016) de Rosa Barba se propose comme une surprenante orchestration de projections lumineuses et de séquences musicales et fonctionne comme un opérateur d’éveil. À la géométrie rigoureuse du lieu, Takako Saito oppose une joyeuse prolifération d’objets, d’assemblages, de sons et de performances. Son art célèbre le bonheur et l’optimisme sans jamais se couper d’un diagnostic critique et cette première exposition monographique en France déploie toutes les ressources et les valeurs positives de sa démarche participative.
Des oeuvres de natures et de sources divergentes mais que la qualité d’inscription et d’activation de l’espace rapprochent. Le Capc Musée d’art contemporain des années agitées 2000-2010 a tenté de puiser, avec plus ou moins de constance et d’acuité, dans la diversité de sens et de pensées des oeuvres, dans cette agilité capable de répondre à l’immédiateté et de s’investir dans l’histoire, de fabriquer des vibrations, des insistances poétiques, d’ouvrir des possibilités d’observation et de réflexion. C’est son écriture originelle. C’est aussi, me semble-t-il, l’aiguillon de sa continuité et de ses nécessaires mutations.
1 Henry-Claude Cousseau et Marie-Laure Bernadac ; Maurice Fréchuret et commissaire Thierry Davila ; Charlotte Laubard et commissaires Yann Chateigné Tytelman, puis Alexis Vaillant ; María Inés Rodríguez et Alice Motard. Sandra Patron, directrice, et Cédric Fauq, commissaire en chef.
Didier Arnaudet est critique d’art et commissaire d’exposition. Dernière exposition : Michel Verjux, Chasse-Spleen centre d’art, Moulis-en-Médoc, jusqu’au 1er octobre 2023.
When Jean-Louis Froment stepped down as director in 1996, the venue he left was internationally renowned for its artistic standards. He developed the CAPC Musée d’art contemporain in a constant spirit of research and experimentation, and took up the challenge of creating a complementary relationship between the opposing timeframes of the art centre and the museum. He never ceased to search for historical potential in the signs of the present, and to question the permanence of the artwork in the space of conservation. What emerged was the open, plural and indeterminate strength of the work, and the recognition of its specific autonomy.
The subsequent history of the museum has not always lived up to the singularity of this commitment. We must naturally mention the pressure of political power, its blatant lack of support and the major budget cuts during Alain Juppé’s term of office as Mayor of Bordeaux, but also a positioning that struggled to assert itself between the museum and the art centre and the ongoing indecision in the relationship between these two instances. Successive directorships ensued, (1) four in the past twenty years, all marked by conflict. Crisis seems to be part of the life of this place and its exceptional architecture. But the adventure of the CAPC Musée d’art contemporain continues in spite of everything, with its flashes of brilliance and its weaknesses, its revivals and its repercussions. Since 2019, following the health crisis, a new team (2) has been breathing new life into the museum, supported by a more attentive ecologist and socialist municipal majority. Will the compass needle finally settle, allowing for long-term progress and an agile, alert investigation of the upheavals and ideas of the times? I would like to think so.
ORIGINAL WRITING
On the occasion of the 50th anniversary of this institution, without overlooking its vicissitudes, frictions and difficulties, I would rather focus on what still constitutes its potential: the artwork that takes its rightful place in the space and draws a maximum of emotion and culture from it. The artwork that concentrates the artist’s conviction, energy, creativity and accuracy. I have therefore chosen works from the very specific period between 1997 and 2019. Of course, this choice implies taking a step back, not commenting, leaving things out, taking distance from exhibitions and reference points and sticking to brief notes, simple sensory punctuations. It is an “I remember” focused on sensations and resonances, persistent, invigorating signals in a place whose visibility has