Y.Z. Kami. Light, Gaze, Presence
FLORENCE Museo Novecento et autres sites / 17 février - 24 septembre 2023
Comme le démontre cette belle exposition Light, Gaze, Presence, l’art de Y.Z. Kami est empreint d’une présence évanescente, et pourtant sensuelle, de transformations internes et de contemplation spirituelle. Organisée sur plusieurs sites du berceau de la Renaissance italienne (Museo Novecento, Palazzo Vecchio, Museo degli Innocenti et abbaye San Miniato al Monte), l’exposition rassemble 24 peintures de l’artiste new-yorkais d’origine iranienne (né en 1956), des années 2000 à nos jours.
Au Museo Novecento, un important ensemble d’oeuvres de différentes époques met en évidence des corrélations entre chronologie et sujet, notamment l’exploration singulière qu’opère Kami de l’abstraction et de la figuration. Dans ces toiles comme dans son oeuvre en général, une poésie de la lumière imprègne la surface peinte, résultat d’un patient travail couche par couche et d’une touche à la fois légère et précise. Le visage humain est un thème essentiel de l’art de Kami, né de l’observation des portraits du Fayoum – que l’artiste a découverts au Louvre à l’époque où, aux alentours de la vingtaine, il vivait à Paris. Ses célèbres portraits en plan serré, réalisés à partir de photographies de membres de sa famille, d’amis ou d’inconnus, voisinent ici avec des tableaux de la série Dome, toiles abstraites composées d’anneaux concentriques de losanges de type brique, rappelant l’architecture sacrée orientale et occidentale – pures « géométries de lumière », et quelquesunes de ses Night Paintings (depuis 2017) où la lumière et l’obscurité, sous des formes fluides indigo foncé et blanches, se répandent sur la surface. Suspendus entre représentation et apparition, les énigmatiques visages peints d’hommes et de femmes exposés au Museo Novecento et au Palazzo Vecchio incarnent des consciences insaisissables. Plusieurs modèles dirigent leur regard vers l’intérieur, comme dans The Painter’s Mother (2014-15) au Museo Novecento. Les yeux clos, la mère de Kami est abîmée dans sa méditation. Sa présence est mise en dialogue avec SelfPortrait et Daniele (tous deux de 2016-17 ; le second est un portrait du compagnon de l’artiste) afin d’exprimer l’intimité et un tendre émerveillement. L’estompement des contours de leurs visages révèle une luminosité tactile, caractéristique du sfumato de Kami ; tandis que, non loin, la peinture à la feuille d’or Gold Dome II (2022), qui évoque avec raffinement la transformation alchimique, semble donner voix à la quête spirituelle de ses modèles.
À l’abbaye San Miniato al Monte, Paul’s Hands (2015-17), plein de spiritualité, représente des mains jointes en prière, geste commun à plusieurs religions orientales et au christianisme.
Dans son évanescence tangible, qu’accentuent les subtilités quasi monochromatiques de l’image, Brunelleschi (Death Mask) [2022-23], au Museo degli Innocenti, exploite la tension entre visible et invisible jusqu’au point ténu où il devient presque impossible de distinguer la vie et la mort, que la toile saisit comme éternellement entremêlées. Le sujet et le processus de la peinture se confondent magistralement ; la technique de Kami, consistant à décomposer et reconstituer progressivement le tableau sur la toile, fournit en effet ici une métaphore poignante du cycle de la vie et de la mort – et lie définitivement la peinture à la condition humaine.
Traduit depuis l’anglais
par Laurent Perez
A sense of evanescent and yet sensuous presence, inner transformation, and spiritual contemplation suffuses the art of Y. Z. Kami as the ravishing Light, Gaze, Presence exhibition demonstrates. Taking place at multiple venues in the historical cradle of Italian Renaissance—Museo Novecento, Palazzo Vecchio, Museo degli Innocenti and the Abbazia di San Miniato al Monte—the show brings together 24 paintings by the Iranian-born (1956), New York-based artist spanning from the 2000s to the present. At Museo Novecento, a larger selection of works from different periods teases out correspondences beyond chronology and subject matter, pointing at Kami’s singular exploration of figuration and abstraction. In these works as in his oeuvre at large, a poetry of light imbues the surface of painting, a result achieved working through many layers of oil paint with a softfocused and fine-grained brushwork. The human’s face has long been a central theme in Kami’s art, for which interestingly the Fayum mummy portraits were a point of departure (he first saw them at the Louvre when living in Paris in his twenties). Here, signature close-up portraits, made from photographs taken of family, friends or strangers, share space with examples from the Dome series, abstractions composed of concentric rings of brick-like lozenges reminiscent of Eastern and Western sacred architecture—pure “geometries of light”—and with instances of his Night Paintings series (since 2017) where light and darkness, rendered in fluid forms of dark indigo and white hues, expand on the surface. Suspended somewhere between representation and apparition, the enigmatic painted visages of men and women shown here and at Palazzo Vecchio embody elusive consciousnesses. Many sitters direct their gaze inward, as in The Painter’s Mother (2014-15) at Museo Novecento. Eyes closed, Kami’s mother is lost in meditation. Her presence is set in dialogue with Self-Portrait and Daniele (both 201617; the latter a portrait of the artist’s partner) conjuring intimacy and tender wonderment. The soft blurring of the edges of their faces emphasizes a tactile luminosity, distinctive of Kami’s sfumato technique; and the nearby gold-leaf painting Gold Dome II (2022), exquisitely invoking alchemical transformation, seems to voice their inner spiritual quest. At the Abbazia di San Miniato al Monte, spirituality permeates Paul’s Hands (2015-17), a picture of hands joined in prayer, a gesture common to different religions in the East and Christianity.
Brunelleschi (Death Mask) [202223] at Museo degli Innocenti, in its palpable evanescence accentuated by the quasi-monochromatic subtleties of the picture, exploits the tension between visible and invisible to the tenuous point where life and death become almost indistinguishable, captured here as forever intertwined.The subject of painting and painting’s process are masterfully fused, as Kami’s method of gradually breaking down and building up again the surface finds a poignant metaphor in the exploration of the life and death cycle, forever tying painting to our shared human condition.
Y. Z. Kami. Light, Gaze, Presence.
Vue de l’exposition show view Museo Novecento, Florence, 2023. (© Y. Z. Kami ; Ph. Serge Domingie ; Court. Museo Novecento Firenze)