Dayanita Singh. Dancing with My Camera
LUXEMBOURG Mudam / 12 mai - 10 septembre 2023
Depuis les années 1980, Dayanita Singh, née en 1961 à New Delhi, chronique la société indienne en noir et blanc à travers des séries photographiques thématiques. Elle s’intéresse à des réalités aussi diverses que les archives, l’architecture, la musique, la danse ou la construction de l’identité de genre, et explore la nature relationnelle des images. La photographe ne néglige jamais la part subjective inhérente à tout travail documentaire, qu’il s’agisse de la sienne ou de celle du spectateur. Depuis le début des années 2010, déjà connue pour sa création de livres-objets dont elle a fait un véritable médium, elle élabore pour ses expositions des structures modulaires en bois qu’elle qualifie de « photo-architectures ». Singh le déclare elle-même : « Produire des images représente peutêtre 10% de mon travail ; le reste consiste à tisser des liens, à monter, puis à séquencer. » Cette méthode s’observe particulièrement dans les « musées », séries ou familles d’images signalées par des unités modulaires et changeantes oscillant entre l’installation, la sculpture, le mobilier et l’architecture. Tabourets, cadres, valises, paravents, meubles d’archivage organisent la « matière première » des photographies et invitent au mouvement. Corporellement stimulé, le spectateur se retrouve ainsi, tout comme la photographe avant lui en train de capturer des réalités, pris dans une danse qui le confronte à la « texture du temps » (Orhan Pamuk), et donc aussi, à l’instabilité essentielle des images. Ce que semble nous dire Singh, c’est que loin d’être des objets figés, les images réclament, pour être saisies, des opérations temporaires à recommencer toujours.
show view.
Dayanita Singh was born in New Delhi in 1961. Since the 1980s, she has been chronicling Indian society in black and white by means of thematic photographic series. She is interested in realities as diverse as archives, architecture, music, dance and the construction of gender identity, and explores the relational nature of images.The photographer never neglects the subjective element inherent in all documentary work, be it her own or that of the viewer. Since the early 2010s, already known for her creation of book-objects, which she has turned into a true medium, she has been developing modular wooden structures for her exhibitions, which she describes as “photo-architectures.”
As Singh herself says: “The making of the images is maybe 10 percent of the work, but I would say 70 percent or even 80 percent is really the editing and to find this group of images that can work together in any combination.” This method is particularly apparent in the “museums,” series or families of images marked by modular and changing units that oscillate between installation, sculpture, furniture and architecture. Stools, frames, suitcases, screens and filing cabinets organise the “raw material” of the photographs and invite movement.
Like the photographer before them, the physically stimulated viewers find themselves capturing realities, caught up in a dance that confronts them with the “texture of time” (Orhan Pamuk), and therefore also with the essential instability of images. What Singh seems to be telling us is that to capture images, which are far from being fixed objects, it is necessary to repeat temporary operations over and over again.
Sans titre (Coudrage). 2020. Tissu, fil, papier, photographie, poupées, épingles fabric, thread, paper, dolls, photo, pins. 29 x 20,6 x 3,8 cm
Cinquante ans de création s’exposent à la suite d’une donation à la Collection de l’art brut, mais en échappant à cette catégorie trop étroite pour des pratiques diversifiées : films expérimentaux, dessins, coudrages… Parler d’art ou de sculptures à leur propos ne lui convient pas : Michel Nedjar (France, 1947) conserve le mot de « poupées » pour désigner l’ensemble de sa production proliférante de créations-créatures. Les plus anciennes (à partir de 1978) proviennent d’un rituel qui malaxe, triture et coud des chiffons imbibés de boue et de sang. Il les nommait Chairdâmes. Aimant jouer avec les mots comme avec les matériaux, l’artiste a détourné la prosopopée, figure de style qui fait parler une entité privée de langage, en « prosopoupée » : une prose où des poupées babillent entre elles en donnant leurs voix au silence, comme ses marionnettes du spectacle Danse macabre (2004, repris en 2021 au Centre PompidouMetz). Un enfant jouant avec des poupées ne leur parle pas, il les parle. Dans son théâtre intérieur où le ludique rejoint le tragique, Nedjar reste proche d’un enfant qui joue pour apprivoiser le silence et combler la perte qui le perturbe. Il tisse des momies, des cocons de transmutation, réitérant un geste qui fabrique du neuf avec du vieux, du sale, de l’impropre. À partir de papiers ou tissus de récupération, il crée du charmant au sens magique du mot « charme ». Cousant des images entre elles, fabricant des objets insolites, cet art qui n’en est pas un nous parle.
wax.