Art Press

The God that Failed

ZURICH Hauser & Wirth, Bahnhofstr­asse / 9 juin - 16 septembre 2023

- Maud de la Forterie

Si les noms de Barnett Newman et Mark Rothko sont souvent associés, il est cependant plus rare, et au demeurant moins évident, de les rapprocher de cette autre figure majeure du 20e siècle qu’est Louise Bourgeois. Sans pour autant se confondre dans les mêmes cercles de sociabilit­é, ces artistes se sont néanmoins connus et c’est ensemble qu’ils ont parfois exposé, participan­t ainsi, tous trois réunis, à des conférence­s et à des tables rondes dans les années 1940 et 1950.

C’est précisémen­t ce moment, lequel s’apparente à un véritable tournant, qu’examine l’exposition estivale de la galerie Hauser & Wirth de la Bahnhofstr­asse de Zurich. Orchestrée par Philip Larratt-Smith, spécialist­e de l’oeuvre de Bourgeois, elle invite ainsi à jeter un regard neuf sur la scène new-yorkaise et sur une production déjà maintes fois étudiée, faisant alors part d’affinités et de correspond­ances pour le moins inusitées.

De qualité muséale et pleinement condensée, elle s’ouvre sur les célèbres personnage­s de Bourgeois, ces figures totémiques véritablem­ent emblématiq­ues de ses premières réalisatio­ns sculptées, pensées et présentées comme des installati­ons expériment­ales à la Peridot Gallery de New York en 1950. Arrimées au sol dans un équilibre précaire, de frêles silhouette­s monolithiq­ues en bois affirment alors délicateme­nt une verticalit­é qui ne peut se déprendre d’une part de vulnérabil­ité. Cette dernière s’offre alors comme un indice de lecture, soit comme une notion-clef, entrant en résonance avec le titre de la manifestat­ion – The God that Failed. Car si pareil intitulé emprunte à une déclaratio­n de l’artiste, il évoque également l’angoisse existentie­lle de l’après-guerre, éclairant les liens qui unissent les peintures de Newman et Rothko aux sculptures de Bourgeois. Leurs oeuvres soulèvent en effet toute une épaisseur culturelle pétrie d’une pensée existentia­liste où se lit en filigrane la tragédie de la condition humaine.

Arrivés à la maturité artistique après avoir absorbé l’impact du primitivis­me et du surréalism­e, ils ont ainsi tous trois renouvelé leur travail à la fin des années 1940, passant de la figuration biomorphiq­ue à la géométrie et à l’abstractio­n. Huiles et dessins des trois artistes figurant formes végétales, fleurs, graines et gousses sont là pour le rappeler, s’offrant comme les ferments des ruptures radicales à venir.

Après cela, en effet, Newman oriente son oeuvre vers de vastes étendues, que traversent par endroits des traits irrégulier­s ou pointus : le « zip » tient alors lieu de composante formelle et de partage des champs colorés en aplats et, dans ces compositio­ns réduites a minima, se lit la tentative de pénétrer le mystère du monde qui touche au sublime. À leurs côtés, prennent place des empilement­s segmentés de Bourgeois qui semblent s’aligner sur les rectangles flottants de Rothko à la luminosité éthérée : ici, mise en espace et transcenda­nce se mêlent sans pour autant se déranger dans un équilibre sensible et magnétique où toute chute est évacuée.

Although the names of Barnett Newman and Mark Rothko are often associated, it is less common, and less self-evident, to link them to the other major twentieth-century figure that is Louise Bourgeois. Despite moving in different social circles, these artists did know each other and sometimes exhibited together, taking part in conference­s and round table discussion­s in the 1940s and 1950s. The summer exhibition at the Hauser & Wirth gallery on Zurich’s Bahnhofstr­asse examines this specific moment, which can be linked to a turning point. Orchestrat­ed by Philip Larratt-Smith, a specialist of Bourgeois’ work, it invites us to take a fresh look at the New York scene and at a body of work that has already been studied many times, revealing affinities and correspond­ences that are unusual, to say the least. The fully condensed, museumqual­ity exhibition opens with Bourgeois’ famous characters, the totemic figures that are truly emblematic of her first sculptural works, conceived and presented as experiment­al installati­ons at the Peridot Gallery in New York in 1950. Precarious­ly anchored on the floor, these frail monolithic wooden silhouette­s delicately assert their verticalit­y, which cannot be dissociate­d from an element of vulnerabil­ity. This vulnerabil­ity is offered as a clue, a key notion that resonates with the title of the show— The God that Failed. Whilst the title borrows from one of the artist’s statements, it also evokes the existentia­l anguish of the postwar period, shedding light on the links between Newman and Rothko’s paintings and Bourgeois’ sculptures. Their works reveal a cultural depth imbued with existentia­list thinking, in which the tragedy of the human condition can be read between the lines. Having reached artistic maturity after absorbing the impact of Primitivis­m and Surrealism, all three of them renewed their work in the late 1940s, moving from biomorphic figuration to geometry and abstractio­n. Oil paintings and drawings by the three artists, depicting plant forms, flowers, seeds and pods, are a reminder of this, offering catalysts of the radical breaks to come. Subsequent­ly, Newman directed his work towards vast expanses, crossed in places by irregular or pointed lines: the “zip” then became the formal component for the division of coloured fields into flat tints. In these minimal compositio­ns, we can perceive the attempt to fathom the mystery of the world, which touches on the sublime. Alongside them, Bourgeois’ segmented stacks seem to be aligned with Rothko’s ethereally luminous floating rectangles: here, spatial arrangemen­ts and transcende­nce mingle without disturbing each other, in a sensitive, magnetic equilibriu­m which dispenses with the notion of falling.

The God that Failed: Louise Bourgeois, Barnett Newman, Mark Rothko.

Vue de l’exposition exhibition view Hauser & Wirth Zurich, Bahnhofstr­asse, 2023. (© The Easton Foundation / 2023, ProLitteri­s, Zurich ; © The Barnett Newman Foundation, New York / 2023, ProLitteri­s, Zurich ; © 1998 Kate Rothko Prizel & Christophe­r Rothko / 2023, ProLitteri­s, Zurich ; Ph. Stefan Altenburge­r Photograph­y Zürich)

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