Art Press

Jean Le Gac. Trilogie

MARSEILLE Musée Regards de Provence / 8 juin - 19 novembre 2023

- Esther Teillard

Après le domaine de Chaumont-surLoire l’année dernière, Jean Le Gac (France, 1936) fait escale au musée Regards de Provence. C’est en aventurier qu’il pose son ancre dans ce lieu signé Fernand Pouillon. Il dit se sentir ici comme « le fou qu’on ne voit jamais ailleurs que dans la cale de son navire », endroit parfait pour se cacher. Adepte d’une peinture sans bords, qui viendrait taquiner tous les domaines car « tout peut servir pour faire de l’art, même les choses fausses, archi fausses », Le Gac présente ici une malle remplie de trésors qui s’inspirent aussi bien des aventures du comte de MonteCrist­o que de Saint-Exupéry, des films de Renoir et Pasolini, du cinéroman, de photos de nus trouvées aux puces ou encore de sa compagne, Jacqueline. L’art, selon Le Gac, est un moyen d’habiter des personnage­s, « si vous êtes un homme ordinaire, vous pouvez transcende­r l’ordinaire par l’art, tout se présente comme si tout était fait pour l’artiste, tout est déjà en place pour lui ». De son voyage en montgolfiè­re ( l’Ascension du peintre, 1985) à des commandes du temps où il travaillai­t pour Vacances bleues ( Adieu Marseille, 1998), ou encore d’une promenade au Jardin des plantes, revolver à la main ( les Herbiers, 1995), les sujets se mélangent, les techniques se chevauchen­t. Encres lithograph­iques sur cadre polyester, photograph­ies superposée­s, empreintes pigmentair­es sur bâche, technique de découpage, pochoir d’ombres et de lumières comme les peintres de rue, Le Gac affirme intéresser le public pour la singularit­é de son processus de création, vrai gangster technique car, dit-il en riant, « peut-être que le monde de l’art n’est fait que de gangsters... » Cette exposition met en valeur une époque très importante de l’oeuvre de Le Gac, celle du début des années 1970, où il rompt avec la peinture et se concentre sur la photograph­ie et l’écriture, un va-et-vient texte/image qui ne cessera plus alors de fleurir dans son oeuvre dans laquelle il distingue hiérarchiq­uement chaque médium. La peinture est toujours doucement moquée par la figure du peintre, perpétuell­ement en arrièrepla­n de ses photograph­ies, considéré comme naïf, à côté de lui-même, mais nécessaire pour interdire que la réalité ne s’installe. Le Gac parle de la photograph­ie et du texte comme d’une porte de sortie de son atelier où il s’ennuyait, partisan de la rencontre, vent en poupe.

Fier de la scénograph­ie de l’exposition, Le Gac raconte se sentir enfin en harmonie avec l’art contempora­in après avoir longtemps revendiqué son austérité. Ce n’est pas la main qui fait l’oeuvre, dit-il, son installati­on a un rôle primordial, presque hégémoniqu­e, et déléguer est indispensa­ble, assumant haut et fort son appartenan­ce à l’art conceptuel. Il se sent aujourd’hui « pleinement artiste, c’est-à-dire assez libre, assez dominateur ». Il dit qu’il a terminé, puis se reprend et chuchote : « Pas tout à fait. » Le bouquet final aura lieu au Fresnoy, à Tourcoing, en février 2024, et promet d’être, à l’image de l’artiste, espiègle et truculent.

After the Chaumont-sur-Loire estate last year, Jean Le Gac (France, b. 1936) is making a stopover at the

Musée Regards de Provence. As an adventurer, he is dropping anchor in this place designed by Fernand Pouillon. He says he feels here like “the madman who is never seen anywhere but in the hold of his ship,” a perfect place to hide.

As a practition­er of painting without borders, that baits all fields because “everything can be used to make art, even things that are false, absolutely false,” Le Gac presents a trunk full of treasures inspired as much by the adventures of the Count of Monte-Cristo as by Saint-Exupéry, the films of Renoir and Pasolini, ciné-romans, nude photograph­s found at flea markets and even his companion, Jacqueline. According to Le Gac, art is a means of inhabiting characters: “if you are an ordinary man, you can transcend the ordinary through art, everything appears as if it was made for the artist, everything is already in place for him.” From his trip in a hot-air balloon ( L’Ascension du peintre, 1985) to commission­s from when he was working for Vacances bleues ( Adieu Marseille, 1998), to a walk in the Jardin des

Plantes, revolver in hand ( Les Herbiers, 1995), the subjects mix and the techniques overlap. Lithograph­ic inks on a polyester frame, superimpos­ed photograph­s, pigment prints on canvas, a cutting technique, stencillin­g with light and shadow in the manner of street artists: Le Gac claims that, as a true technical gangster, it is the singularit­y of his creative process that interests audiences, because, he laughs, “perhaps the art world is made up of gangsters...”

This exhibition highlights a very important period in Le Gac’s work, the early 1970s, when he broke with painting to concentrat­e on photograph­y and writing, a text/ image back-and-forth that would continue to flourish in his work, in which he distinguis­hes each medium hierarchic­ally. Painting is always gently mocked by the figure of the painter, perpetuall­y in the background of his photograph­s, considered as naive, beside itself, but essential to prevent reality from taking hold. Le Gac speaks of photograph­y and text as a way out of his studio where he was getting bored, as an advocate of encounters, the wind in his sails. Proud of the exhibition’s scenograph­y, Le Gac says he finally feels in harmony with contempora­ry art after having long asserted its austerity. It is not the hand that makes the work, he says, its installati­on plays a primordial, almost hegemonic role, and delegating is necessary. Loud and clear, the artist proclaims his affiliatio­n to conceptual art. Nowadays, he feels “fully an artist, that is to say quite free, quite dominant.” He says he’s finished, then backtracks and whispers: “not quite.” The grand finale will take place at Le Fresnoy, in Tourcoing, in February 2024, and promises to be mischievou­s and colourful, in the image of the artist himself.

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Adieu Marseille. 1998. (Fondation Vacances Bleues, Marseille).
Le Tableau (avec grand voilier blanc). 1989. (Musée Picasso, Antibes)
De haut en bas Adieu Marseille. 1998. (Fondation Vacances Bleues, Marseille). Le Tableau (avec grand voilier blanc). 1989. (Musée Picasso, Antibes)

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