Blaise Pascal
L’OEuvre
Bouquins, 2 048 p., 38 euros
« Lire Pascal est un défi », disent Pierre Lyraud et Laurence Plazenet, maîtres d’oeuvre de cette édition intégrale de Blaise Pascal, aux textes entièrement revus et pourvus d’un riche appareil critique, publiée pour le 4e centenaire d’un homme qui, plutôt que l’« effrayant génie » de Chateaubriand, s’avance pour mieux se dérober, et qui nous est aussi « nécessaire » que l’eau, le pain, l’absolu – sa lecture elle-même étant un défi. C’est pourquoi il faut lire tout Pascal, et non rétribuer le « culturel » par quelques citations des Pensées, toujours les mêmes, comme pour les neutraliser. Lire, donc, les Pensées et le Traité de l’équilibre des liqueurs, les Provinciales et De l’esprit géométrique, les Écrits sur la grâce et la correspondance avec Fermat, l’Abrégé de la vie de Jésus-Christ et les lettres à Dettonville sur la roulette, l’Entretien avec M. de Sacy et le Discours sur la condition des grands… Le lire sans jouer la « raison » contre le « coeur », ni l’inventeur de la machine à calculer et des transports en commun urbains (les « carrosses à 5 sols ») contre l’apologiste de la religion catholique, ni en regrettant la « conversion » d’un mathématicien à des « pratiques » trop « éloignées » de nos « préoccupations ». Comme Kierkegaard choisissant l’angoisse contre l’axiologie hégélienne qui vidait la religion de sa substance, ou Léon Bloy trouvant dans l’Écriture une lecture à haute tension de l’Histoire, comme l’irrationalisme de Chestov, Pascal suscite de violents renversements qui nous éloignent de la tiédeur et du mensonge, ou qui nous emplissent d’une joie incomparable. C’est que la diversité de son oeuvre « procède d’une curiosité essentielle, primitive, envers l’homme saisi dans sa totalité et dans le mystère que l’appréhension de celle-ci creuse » : cela même que notre époque occulte...