Yves Chaudouët
Peindre à Palerme Actes Sud, 224 p., 20,80 euros
De l’artiste, on se souvient du merveilleux ensemble les Poissons des grandes profondeurs ont pied ou bien de ses Étoiles de mer opalines en verre produites à Meisenthal et installées dans une nuit très lumineuse, de ses innombrables et excellents monotypes (il utilise la même plaque de cuivre depuis son adolescence). Peintre, on le connaît comme très bon portraitiste. On le sait dramaturge, scénographe, metteur en scène, performeur, traducteur de John Cage. La liste est longue des points d’impact de ce formidable touche-à-tout. Et voici son premier roman, Peindre à Palerme. Un Français, peintre, débarque dans la capitale sicilienne pour converser, dans le musée de la ville, avec la Vierge de l’Annonciation d’Antonello de Messine, qui goûte à l’échange. On ignore longtemps d’où il vient. Accueilli par un vieil aubergiste et son fils, il gagne quelques sous (qu’il partage avec ses hôtes) en portraiturant les gens du quartier. Il vit une intense liaison amoureuse avec la belle Atit, journaliste qui enquête sur un certain trafic et son âme damnée, Federico, qui n’est autre que le fils ainé d’Enzo, l’aubergiste. C’est un roman, un vrai, impeccablement écrit, mené, maîtrisé, dont la protagoniste est la peinture. On croise discrètement au fil des pages les préoccupations du peintre Chaudouët, sans doute sa conception de la peinture qui repose, bien en avance sur ce qu’on voit réapparaître aujourd’hui, sur une modernité qui rend justice à l’artisanat (il fut restaurateur de fresques), mais qui, jamais, n’alourdissent l’impératif romanesque. Et l’on se rappelle un autre beau livre qui n’est toutefois pas strictement un roman, mais si près, de visite au musée, Un mois à Sienne d’Hisham Matar, l’un et l’autre nourrissant un genre sinon nouveau du moins, le souhaitons-nous, plein d’avenir : le roman de la peinture.