Adelheid Duvanel
La Maison disparue Corti, 112 p., 16 euros
La Maison disparue, livre tracé à la dentelle. Adelheid Duvanel, autrice suisse qui a marqué la littérature germanique de son tourbillon, grande dame à la grande marge, schizophrénie et addictions. C’est vrai que l’agitation se palpe dans ce court roman de 1988 qui fait tenir debout une multitude de personnages à genoux. Vies volées et vies qui volent, ils se regardent et se contournent doucement. Un vendeur de dessin ambulant, un magasinier amoureux d’une nonagénaire, un homme qui, pour se présenter, fait des cercles dans l’air, une femme sans cheveux qui secoue la tête comme si elle en avait, une vieille dame qui, par peur d’oublier la mort de son fils, inscrit son nom partout sur des petits papiers qu’elle sème dans sa maison. Leur point commun : ils ont d’unique qu’ils sont insignifiants. Ouvrir ce livre, c’est comme entrer dans une église orthodoxe pleine de délicatesses. Les signes sont présents, la grâce est partout, les fantômes rôdent et on ne comprend pas tout. La dorure a ici une apparence de personnages gris, éraillés par la vie, habitants de maisons disparues, parents d’enfants qui ne sont plus. Pourtant, ici, la plume de Duvanel a un pouvoir magique, celui de taquiner la grisaille pour la travestir en clinquant. Les titres de chacune des histoires donnent la couleur du chant final, chacune se suffit, toutes se répondent. Drôle de petit livre, entre le recueil de poèmes et l’histoire qui suit la carte de la diseuse de bonne aventure. L’harmonie finale est tellement belle qu’elle en fait presque mal – de la dentelle, rappelonsnous. La Maison disparue, c’est une Duvanel raconteuse d’histoires pendant une soirée détestable ; le reste paraît grossier, presque inadapté, face à la minutie de ses contes cruellement mélancoliques. Reine exclusive de son petit royaume, chapeau bas.