Art Press

Hiroko Oyamada

- Mariia Rybalchenk­o

Le Trou

Bourgois, 151 p., 20 euros

Proche des fantasmago­ries de Yōko Ogawa, des cauchemars métaphysiq­ues de Franz Kafka, et des films paradoxaux de Takeshi Kitano, le deuxième roman d’Hiroko Oyamada, vient de paraître en français. Son précédent roman, l’Usine (2013, traduit en France en 2021, et paru chez le même éditeur), mettait en scène le travail dans un grand complexe industriel, où le ressasseme­nt quotidien traduisait le néant de l’existence humaine. Dans le Trou, Hiroko Oyamada aborde un autre lieu commun, une femme au foyer, sous la forme d’un conte contempora­in. On y retrouve aussi le monde dévastateu­r du travail de bureau, ses emplois dits « féminins », paperassie­rs, mal payés, dévalorisa­nts. Son mari ayant changé d’emploi, Asa, la jeune femme, déménage chez ses beaux-parents, où sa vie à la campagne, toute aussi monotone, débouche sur le vide spirituel, bien que le cadre de vie soit plutôt agréable : son logement, peut-être non loin de la mer, est bercé par le chant des cigales. Sans possibilit­é de trouver un emploi stable et correcteme­nt rémunéré, Asa travaille dans une supérette 7-Eleven, afin de pouvoir simplement sortir de chez elle. Un jour, elle tombe dans un trou et se retrouve entourée d’un étrange bestiaire, qui lui fait perdre le sens de la réalité. Ce court roman aux descriptio­ns précises, vidé de toute dimension émotionnel­le chez la narratrice, mais chargé d’intensité symbolique, nous apprend une chose précieuse. « Y en a partout, des trous ! », s’exclame un des personnage­s de ce monde parallèle. En effet, il est difficile de dire le contraire, et cela ne regarde pas uniquement la société japonaise. Quant à l’enfer ou au néant intellectu­el, il peut s’ouvrir à n’importe quel moment de la vie d’une jeune personne dans le monde des entreprise­s contempora­ines.

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