Jennifer Lesieur
Rose Valland, l’espionne à l’oeuvre Robert Laffont, 240 p., 19,50 euros
Paris, novembre 1940. La capitale est assiégée par l’occupant nazi. Des tableaux, des sculptures et des pièces de mobilier s’amoncellent au Jeu de Paume. Promue responsable du bâtiment et des collections, Rose Valland (1898-1980) aspire à protéger les collections nationales qui chaque jour affluent. Dans le plus grand des secrets, elle consigne méthodiquement chaque mouvement d’oeuvre, retranscrit des bribes de conversations tenues par les officiers allemands, récupère des notes manuscrites négligemment jetées. Dans ce roman qu’on lit avec avidité, on croise tour à tour les personnages clés du national-socialisme, Goering dont on découvre un peu plus l’appétit ogresque pour les maîtres flamands et hollandais des 15e et 16e siècles mais aussi un goût pour les artistes dits « dégénérés » pourtant prohibés par la doctrine nazie. Des personnalités moins connues telles que l’historien de l’art Hans Posse tenu de répertorier les oeuvres souhaitées pour le musée de Linz. Fourmillant de détails, l’ouvrage met en lumière l’effort fourni par les officiers américains de la MFAA section aux côtés desquels Valland oeuvra à la restitution des biens retrouvés en Allemagne de l’Ouest. On achève toutefois la lecture avec une pointe de déception. Celle de n’avoir pu approcher la personnalité de Valland, femme au tempérament discret dont la vie intime reste impénétrable. Sa dépréciation post-après-guerre et l’absence de documents d’archives la firent tomber dans l’oubli. Rose Valland, l’espionne à l’oeuvre aura le mérite de faire connaître du grand public l’auteure du Front de l’art, ouvrage fondateur publié à partir de ses carnets en 1961 et qui restera le témoignage précieux de l’action résistante engagée contre le nazisme pour la protection du patrimoine artistique français et européen.