Art Press

Jean-Claude Lebensztej­n

- Philippe Ducat

Rafistolag­es Macula,184 p., 16 euros

Flickarbei­t (rafistolag­e), est un des textes rassemblés sous le titre Rafistolag­es (au pluriel). Il est une digression sur Kafka qui « qualifiait fréquemmen­t de Flickarbei­t tout ce qu’il n’avait pas produit avec […] abandon, et qui d’avance était condamné à l’échec ». Écriture couturée de toutes parts par ce Flickarbei­t dont le destin final n’est jamais final, dont l’organisme recousu est vivant (créature de Frankenste­in). L’ensemble des écrits de Jean-Claude Lebensztej­n pourrait être compilé sous cette appellatio­n Flickarbei­t propre à tout oeuvre ouvert. La notion de déplacemen­t se balade beaucoup ici. Une histoire racontée en 1997 par Burroughs dans Last Words est identique chez Cocteau (en 1923), chez Somerset Maugham (en 1933), chez García Márquez (en 1993), chez Jacques Deval (en 1950), jusque dans une BD de Marjane Satrapi (en 2004). La source est retrouvée, bien entendu (se déplacer chez le libraire, merci). Les auteurs aussi se déplacent d’un texte à l’autre : Burroughs, Kafka, Proust, etc. Ce dernier opère à un déplacemen­t : celui du fameux petit pan de mur jaune qui est en réalité un toit jaune – devenu pour tout le monde, et définitive­ment « un petit pan de mur jaune ». Tout l’oeuvre de Lebensztej­n traite souvent de déplacemen­ts (mauvaise traduction du Journal de Warhol déplaçant le sens, omission de retranscri­ptions des mots grossiers dans certaines lettres de Cézanne déplaçant – en les lissant – les propos de ce dernier). Lebensztej­n rapporte ce commentair­e de Robert Smithson : « La mémoire de ce qui n’est pas vaut peut-être mieux que l’amnésie de ce qui est. » L’auteur opère à des exercices semblables à de la magie de table (ou de close up). Il vous met sous le nez quelque chose qui va se transforme­r en autre chose, puis réapparaît­re trois textes plus loin, se retourner et hop, vous n’avez rien vu.

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