Jean-Pierre Raynaud
Les Deschamps de Raynaud Éditions du Regard, 64 p., 30 euros
La chose est suffisamment rare pour qu’on la signale. Un artiste, pris d’admiration pour un autre artiste, de deux ans son aîné, achète régulièrement ses oeuvres jusqu’à constituer l’une des plus belles, sinon la plus belle collection desdites oeuvres. L’admirateur s’appelle Jean-Pierre Raynaud et l’admiré Gérard Deschamps. Chose plus rare encore, le collectionneur conçoit un livre qui, grâce à la complicité de José Alvarez, contient l’ensemble des oeuvres acquises, ainsi mises à disposition de tous. Quel plus bel hommage que celui d’un artiste à l’un de ses confrères et quelle leçon de critique d’art que cet humble geste ! Dans le court texte qui introduit le corpus, Raynaud s’excuse presque de son initiative et, de manière elliptique, dit la circonstance qui le mit en présence d’une oeuvre de Deschamps au début des années 1960, à la galerie Apollinaire à Milan, « de somptueux tissus » remisés dans un sordide et humide sous-sol qui en menaçait l’existence même : « une illumination ». Chef-d’oeuvre en péril qu’il sauva en en faisant l’acquisition. Début d’une histoire de fidélité qui ne manqua plus rien de significatif dans l’oeuvre du plus discret et du plus représentatif des nouveaux réalistes à propos duquel Fabrice Hergott a écrit qu’il est « l’un des plus grands artistes français vivants ». À feuilleter l’ouvrage, en effet, on se rend vite compte que tout ou presque y est, des sous-vêtements féminins qui le firent connaître aux « voiles de planche » en passant par les bâches de l’armée américaine, les plaques de blindage perforées, les tôles irisées, les décorations militaires, les chiffons japonais, les panoplies, etc. Tout sauf les Pneumostructures et quelques « ensemblages » (selon le mot de Deschamps) de skates et autres séries plus récentes. Mais peutêtre Jean-Pierre Raynaud n’a-t-il pas dit son dernier mot…