Art Press

Pascale Marthine Tayou. Petits riens, et autres exposition­s

AVIGNON Collection Lambert / 1er juillet - 19 novembre 2023

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Il suffit de pas grand-chose pour changer le monde ou la perception que l’on en a. Parfois de faire de simples pas de côté, parfois de changer de ligne d’horizon. Parfois de s’arrêter afin de sentir de nouveau les vibrations extérieure­s, parfois d’écouter ses émotions intérieure­s afin de retrouver une résonance avec le monde. Le programme des exposition­s d’été de la collection Lambert, orchestré par Stéphane Ibars et son équipe, en témoigne. Ils ont tout d’abord ouvert les portes du lieu à l’artiste Pascale Marthine Tayou (Cameroun, 1966). Celui-ci a volontaire­ment répondu par des « petits riens » : « Ces choses infimes qui, l’air de rien, relèvent des montagnes autour de nous. Ce sont ces actes minuscules qui au départ, invisibles à l’oeil nu, enfoncent des poutres dans nos yeux. »

Dès l’entrée, les pavés de la cour extérieure se sont ainsi symbolique­ment dispersés aux murs et se sont recouverts sur une face des couleurs de l’arc-en-ciel. Ce que l’on piétine se relève en paysage magique ; Giovanni Anselmo n’est pas loin, mais également la très belle installati­on qu’avait faite Richard Long à la galerie Yvon Lambert en 1969. À l’inverse, des bouts de bois taillés descendent des cieux comme des crayons de couleur géants prêts à dessiner le sol. Et, nous, d’errer parmi eux. Ensuite, les propositio­ns de Tayou s’infiltrent dans les différents espaces d’exposition comme un conte de fée digne d’Alice au pays des merveilles.

Le parcours est, en effet, ponctué, d’un côté, de télévision­s dont la face est retournée vers le mur et qui diffusent des comptines enfantines – dont Sur le pont d’Avignon – ou des discours politiques sur la décolonisa­tion ; de l’autre, des morceaux de chaînes de bateaux en acier rouillé dont les cassures sont peintes en couleur et qui sont parfois suspendus au mur comme des guirlandes. Suivront, de salle en salle, des labyrinthe­s de drapeaux ou de cannes de marche, une carte du monde en céramique, le signe de l’infini en fils électrique­s, des figures africaines coloniales en verre coloré assemblées en forme de croix. L’exposition s’achève sur trois installati­ons quasi inédites où l’artiste a préféré les mystères des métamorpho­ses aux évidences constituée­s.

Dans la première, des arbres sont suspendus à la verrière du plafond tête en bas et, à chaque branche, est accrochée une bouteille en plastique rapiécée de morceaux de tissu. Dans la deuxième, des morceaux de tôle ondulée s’envolent comme des voiles colorés et protègent des chaises regroupées en paquet face à chaque fenêtre. Chacune, là encore, est suturée ou soutenue par des attelles de fortune. Juste à côté, sont écrits à la main sur le mur la date et le lieu de différente­s conférence­s internatio­nales décisives pour l’indépendan­ce du monde non occidental. Dans la troisième, les arbres font leur réappariti­on, mais disposés là horizontal­ement et à leurs branches sont accrochés des pochons de couleur vive, à l’instar d’une haie d’honneur inédite ou d’une fanfare visuelle plutôt que sonore. Le monde semblait en réparation, il en ressort revivifié. On redescend alors par la spirale du grand escalier. Là, nous attendent des tombées de bolducs colorés qui s’infiltrent dans les joints des parois de béton blanc : le bâtiment est devenu un gigantesqu­e paquet cadeau qui protège comme un précieux trésor les oeuvres qu’il conserve, et Dieu sait si elles sont merveilleu­ses ! On peut également penser à du sang comme à des pleurs. Le tragique le dispute au miracle. « Nous creuserons les plis profonds de nos passions enfou ies pour extraire les vérités cachées, redonner à la noble poésie ses vers de conviction­s... », proclame Tayou.

De là, on se dirige vers l’exposition d’Eva Jospin (jusqu’au 17 septembre 2023) comme vers une crypte mystérieus­e. Nous y retrouvons non seulement les folies architectu­rales en feuilles de carton sculptées qui ont rendu l’artiste célèbre, mais également des tapisserie­s, des dessins, des cartes en relief, des dispositif­s de vision aussi savants que poétiques, et un nouveau film d’animation plutôt convaincan­t. Puis on remonte vers un ensemble de peintures de Sean

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Sean Scully. Untitled (Net). 2022. Huile, pastel gras sur aluminium oil and oil pastel on aluminium. (© Sean Scully ; Ph. Christoph Knoch).
Pascale Marthine Tayou. Petits Riens.
exhibition view.
Vue de l’exposition
(Court. l’artiste et Galleria Continua ; Ph. David Giancatari­na)
De haut en bas from top: Sean Scully. Untitled (Net). 2022. Huile, pastel gras sur aluminium oil and oil pastel on aluminium. (© Sean Scully ; Ph. Christoph Knoch). Pascale Marthine Tayou. Petits Riens. exhibition view. Vue de l’exposition (Court. l’artiste et Galleria Continua ; Ph. David Giancatari­na)
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