Art Press

Victor Dumiot

- Elsa Viet

Acide

Bouquins, 288 p., 20 euros

Rien n’est plus grisant qu’un premier roman. Il constitue la promesse d’une langue réfléchie, le risque d’une exposition, et pose les jalons d’une direction constituti­ve d’un style. Avec Acide, Victor Dumiot semble déclarer qu’aucune limite à la violence ne saurait l’effrayer, bien au contraire : en explorant le pire du pire, il revient à une animalité cruelle, peut-être l’expression d’une certaine image des hommes. Le pitch est le suivant : une femme victime d’une sauvage agression à l’acide s’engage sur le douloureux chemin de la rémission psychologi­que ; et un homme, marginal, obsédé par les images de ce fait divers et a fortiori, par cette femme, tente par tous les moyens de la rencontrer et d’assouvir sa pulsion. C’est un récit simple et sans égarements, d’une redoutable efficacité. La structure romanesque est classique mais parfaiteme­nt tissée, engageant le lecteur dans un suspense délectable (le chapitrage, en est caractéris­tique, finement trouvé) : jusqu’où ira la violence du second personnage ? Quelle sera la limite de notre compassion ? L’exploit réside sans aucun doute dans la capacité à rendre vraisembla­bles des comporteme­nts a priori inimaginab­les, au moyen d’images qui s’incrustent intensémen­t dans notre imaginaire pervers. Parce que c’est précisémen­t ce dont il s’agit : susurrer des horreurs à la part la plus pernicieus­e de notre esprit. Sans doute est-ce d’ailleurs la raison pour laquelle il pourrait déranger qui ne supporte pas d’être titillé à cet endroit. C’est l’ouvrage d’un auteur qui a déjà beaucoup écrit. La maîtrise de la langue participe de l’efficacité et fait sauter tous les stigmates du premier roman surjoué : on voit moins l’intention que le récit lui-même, autonome et précis. C’est une ligne droite, tenue par une très bonne idée et un très bon travail. De l’audace, enfin !

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