Didier Cahen
Lire Paul Celan Tarabuste, 152 p., 14 euros
Sous la forme d’un dialogue, Didier Cahen propose une traversée de l’oeuvre et de la vie de Paul Celan. Le dispositif choisi dit toute la finesse et la profondeur de l’approche de l’auteur, poète, critique et observateur de la poésie contemporaine. Il entretient avec Celan une relation intime et profonde. Après avoir consacré un essai à Edmond Jabès, Jacques Derrida et André du Bouchet, ce bref ouvrage se lit comme une entrée dans l’oeuvre « d’un des poètes majeurs de la seconde moitié du 20e siècle ». «Tendez l’oreille, prenez le temps » : ces pages éclairent « l’obscurité potable » d’une poésie qui sut « faire toucher du doigt le malheur absolu » – sans rien abandonner à la sidération, affrontant Méduse sans pétrifier la langue. Continuer à dire le monde grâce à des poèmes, enfants de parole rescapés de la catastrophe. Les « fantômes de l’histoire » le hantent et travaillent ses textes ; blessures, angoisse et folie le rongent. Les mots pansent les plaies de l’âme dévastée, arrachée au vide – la poésie « récuse le néant et l’abîme ». Cahen invite à méditer « l’improbable définition » qui associe le poème « à un silence choisi, à un silence écrit ». La « leçon de ténèbres » de Celan constitue l’un des plus puissants et actifs enseignements poétiques du 20e siècle. Il demeure le témoin par excellence, c’est-à-dire celui qui permet de « rendre lisible pour l’autre ». Un témoin assiégé par la folie et le désespoir. Accompagné d’une chronologie et d’une solide bibliographie, ce petit volume s’achève, comme un écho, par un bref essai sur la situation de la poésie contemporaine en France. Cahen développe une réflexion sur le travail toujours recommencé par chaque génération de poètes oeuvrant dans le désert pour libérer la langue et aller à la rencontre de l’inouï et de l’inconnu.