William Blake
Le Mariage du Ciel et de l’Enfer Corti, 63 p., 12 euros
Le Mariage du Ciel et de l’Enfer est un recueil de poésie en prose écrit par William Blake en 1790 ; André Gide en avait signé la traduction. Ce texte exprime la colère rugissante du poète et peintre anglais face à l’ordre insolent de la Raison et la perception limitée des sens. Il s’agit-là d’une parodie grave de l’Apocalypse mêlant mysticisme allemand et théologie gothique paradoxale : une sorte de Dürer littéraire. Blake voyage jusque dans l’obscurité originelle pour révéler le sens élargi de l’invisible et « élever les autres hommes jusqu’à la perception de l’infini ». Cette plaquette est la restitution de son apprentissage de l’Enfer. D’une précocité romantique inouïe, l’auteur raconte ses visions réelles des Ténèbres car, s’il est un poète de l’au-delà, il est avant tout un prophète de l’en-dessous – et de l’au- travers. De l’Évangile, il en tire la profondeur de la parole et la simplicité du style – ces qualités « milles fois étonnantes » que chérissait Ernest Hello. Cela dit, il ne faut pas s’y méprendre, l’ouvrage est une petite Bible à l’envers, la transcription d’une sagesse « diabolique », en ce sens que Blake est du côté des Démons face aux Anges, du « Glaive » de Jésus-Christ face à la Paix, de l’impulsivité face aux dogmes : « Je vous le dis, nulle vertu ne peut exister qu’elle ne brise ces dix commandements. Jésus était tout vertu ; il agissait par impulsion, non selon la règle. » Ses visions sont une charge contre la contrainte et la réconciliation (« Une même loi pour le Lion et le Boeuf, c’est Oppression »), ainsi qu’une ode à l’union des corps spirituel et sexuel. Son but : l’« amélioration de la jouissance sensuelle. » Mais revenons au titre. Où a donc lieu cette union entre le Ciel et l’Enfer ? Selon Blake, ils se lient à l’intérieur du coeur de l’homme, ce « lieu de toutes les déités ». Le reste n’est que bavardage.