Art Press

Marc Le Gros

17, rue de Léon EST Samuel Tastet, 32 p., 22 euros

- François Bordes

« Il est difficile de parler de ses amis./ Il est difficile de faire connaître l’odeur d’une maison. » Ce beau livre s’ouvre sur ces vers de Paol Keineg évoquant la maison de Keith et Rosmarie Waldrop. Ici, il s’agit de la maison rennaise de l’artiste Maya Mémin. Le poème décrit le lieu de vie et de création, les pièces, les toiles, les meubles, la collection de papillons, les marionnett­es balinaises et les masques. Tout à la fois précis et elliptique, le texte de Marc Le Gros cherche à dire l’esprit, la chaleur et la lumière de la maison amie. Il pose des mots et fait lever des images sur ce que transmette­nt les objets. Le compagnon de l’artiste, disparu en 2009, survit ainsi « sous la forme impondérab­le, libre et belle, d’un papillon ». Le volume s’achève d’ailleurs par un poème d’hommage à l’ami disparu, « homme exact », « déchirant d’humanité ». Depuis 2016, Samuel Testet a publié douze livres de Marc Le Gros, dont un essai Sur Georges Perros (2016) ou la remarquabl­e Tétralogie des oiseaux de halage (2020). Auteur d’un Éloge de la palourde qui lui valut un certain succès, poète aussi prolifique que discret, il tresse un chemin de mots pour l’amie, superbemen­t accompagné par des gravures aux couleurs vives de Maya Mémin. Son oeuvre irise le texte et nous entrons pleinement dans sa maison. Spécialist­e d’André Breton, Le Gros réalisa dans sa jeunesse une thèse sur Arcane 17 – il ne s’illusionne pas sur le merveilleu­x quotidien et jamais ne tombe dans le sous-surréalism­e de sous-préfecture qui reste une des calamités (et parfois aussi l’une des grandeurs) de l’héritage du mouvement. Fidèle au mage surréalist­e, il voit se lever la merveille dans une banale rue bretonne située sur une petite île entre deux bras de la Vilaine. Tout est question de présence au monde et de regard. Celui de Marc Le Gros est précieux et juste.

 ?? ??

Newspapers in English

Newspapers from France