Art Press

John Waters

Sale Menteuse Gaïa, 256 p., 22,80 euros

- Jeanne Mathas

Le dernier opus de John Waters est d’un mauvais goût exaltant. Salace et lubrique, il réussit l’exploit d’être aussi cinglant que répugnant. Par son regard décalé, l’auteur nous offre un miroir grossissan­t sur les absurdités de nos sociétés. Une femme aux moeurs douteuses menant à la baguette un homme motivé par la seule perspectiv­e d’un salaire rendu « en nature ». Une mythomane perverse, l’archétype du macho obsédé, un duo improbable qui vole frénétique­ment dans les aéroports. Manipulati­ons et mensonges sont le quotidien de Daryl et Marsha Sprinkle jusqu’à ce qu’ils se fassent prendre. Débute alors une course-poursuite où d’étranges hurluberlu­s se joignent aux forces de l’ordre et ajoutent à cette fuite une dimension oedipienne. À cela se greffe un chien qui ressemble à Joan Rivers, un phallus hâbleur, l’idée de consenteme­nt, de fluidité des désirs et des genres… Et si on enlève l’épaisse couche de vernis trash qui recouvre tout cela, on retrouve parfois un ersatz décalé et malséant de fables où l’horrible personnage inapte à l’amour se révèle autrement que dans le mensonge et le sadisme. Tout est bien qui finit mal dans cette « romance feel bad ». Tous les mécanismes de la comédie romantique américaine sont là, mais tout se déroule dans le désordre, avec une dissonance graveleuse. Dans cette traque ébouriffan­te, l’auteur fait exploser tous les clichés d’une Amérique puritaine. C’est l’image d’Épinal de la famille nucléaire qui vole en éclat. Nausée et avidité jouent des coudes au fil des pages et, si l’intrigue semble parfois pataude, elle nous renvoie à nos propres abjections. L’univers camp et freak des films de Waters se propage au-delà de l’extravagan­ce dérangeant­e de ce voyage initiatiqu­e. Sale Menteuse est peut-être avant tout un roman sur la tolérance.

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