Art Press

Mathilde Girard

- John Jefferson Selve

Indication­s pour le corps Isabelle Sauvage, 80 p., 17 euros

Mathilde Girard est un écrivain rare, parce qu’elle engage son écriture panoptique dans la perception de tous les corps : corps humains (sexualité), corps politiques (soulèvemen­ts), corps mythique (Jason et la Toison d’or ou l’idéal-Graal d’une table rase impossible). C’est ainsi qu’elle saisit à la nuque la violence humaine et l’amour des êtres qui peut la sous-tendre, n’occultant aucune dimension dans l’impression, de plus en plus bafouée, d’exister. Présentons Mathilde Girard : elle est l’auteure d’un essai sur les mythes avec le philosophe Jean-Luc Nancy, d’un livre d’entretien avec Michel Surya, Défense d’écrire, et d’un essai sur Bataille, l’Art de la faute. Psychanaly­ste, elle est aussi cinéaste. Réalisatri­ce des Épisodes (prix Premier du FID Marseille en 2020) et de Que quelque chose vienne (prix Georges Beauregard au même festival en 2023). Sa cohérence est un sillon qui nous dit à travers Indication­s pour le corps : «Tu es là pour penser à la guerre maintenant. À la guerre qui n’est pas finie […]. La littératur­e ne fait pas de promesses. » De cette façon, ce livre bref engage la nécessité littéraire. Aphorismes, sentences, vers, textes courts, Girard mélange et n’identifie jamais une direction, préférant l’amas et la concrétion, le détail et les horizons, d’une existence qui ne cède rien. Comme si seule la littératur­e, dans sa concision et son âpreté, était capable de déposer dans tous les corps les sédiments d’une révolte. Quelle soit dans le désir qui souvent s’agite entre l’âme et la peau ou dans l’émeute politique à venir. Indication pour le corps est un livre qui se relit. Presqu’à mi-voix. Pour entendre toutes les échappées. C’est un livre-vivant, dont on veut aussi prendre des phrases incisives pour les faire phosphorer autrement parce que, dit-elle encore : « Il n’y a pas de pathologie, il n’y a que la littératur­e. »

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