Art Press

Galerie archiraar

- Bernard Marcelis

C’est en 2012 que l’architecte Alexis Rastel fonde une galerie consacrée à l’art contempora­in – d’où son intitulé condensant ses trois formes d’identité : son métier, son nom et sa passion. La galerie est logée dans deux anciennes boutiques au rez-de-chaussée d’un immeuble à appartemen­ts datant des années 1970, planté au centre de la commune d’Ixelles, non loin de la place Flagey. Sa configurat­ion fait quelque peu penser, toujours à Ixelles, au bâtiment Rivoli qui regroupe une quinzaine de galeries qui ont pris la place d’anciens magasins. Les deux espaces à front de rue, bien qu’éloignés de quelques mètres, se révèlent complément­aires. Ils se différenci­ent par leur couleur, mais fonctionne­nt en écho : le «White cube » plutôt sous la forme d’un laboratoir­e artistique, alors que le « Black cube » propose une approche que l’on pourrait qualifier de plus « domestique ».

La galerie représente des artistes belges comme internatio­naux, collabore avec des curateurs indépendan­ts et participe, outre à Drawing Now, à de nombreuses foires : Paris Photo, Paréidolie (Marseille), Ballroom Project (Anvers), Approche (Paris), Unseen (Amsterdam), Around Video (Lille), Luxembourg Art Week, Art on Paper (Bruxelles), Art Rotterdam ou encore Galeristes, à Paris, de 2017 à 2019… Parmi la quinzaine d’artistes représenté­s, citons la Française Mélanie Berger (née en 1979 et vivant à Bruxelles), le sculpteur belge Claude Cattelain (né en 1972 et vivant à Bruxelles), la peintre française Camille Leherpeur (née en 1990 et vivant à Paris), le dessinateu­r et photograph­e belge Jonathan Rosić (né en 1979 et vivant à Bruxelles), soit ceux que l’on peut voir sur le stand de la galerie à Drawing Now. Ils y sont réunis dans une exposition collective conçue autour de la figure de Mnémosyne, considérée comme la déesse grecque de la mémoire. On lui attribue l’invention des mots et du langage, permettant ainsi l’expression. Elle est souvent représenté­e sous les traits d’une femme d’une quarantain­e d’années, soutenant son menton dans une posture de méditation.

PRÉCISION CLINIQUE

Dans cet accrochage, le Japonais Takahiro Kudo bénéficie d’un focus. Né en 1984 à Osaka, il suit un cursus au Japon avant de poursuivre ses études en Belgique, à l’Académie des Beaux-Arts de Gand. Il réside actuelleme­nt à Berlin. D’obédience plutôt conceptuel­le, Takahiro Kudo utilise documents et supports papier dans un processus quasi scientifiq­ue de décontextu­alisation et de dématérial­isation. L’artiste est ainsi parti à la recherche de la températur­e du changement d’état d’un billet de 100 euros, soit 278° ( Untitled [278°C], 2016, de la série It Collapsed Out of Shame), tout comme il a étudié l’impact du soleil sur un quotidien relatant les émeutes de Stonewall, dans Greenwich Village, à New York, en 1969 ( Untitled [Homo Nest Raided, Queen Bees Are Stinging Mad], 2022, en papier journal « bronzé »). Ces événements sont considérés

Claude Cattelain. Dessin répétitif (5400). 2018. Poussière de charbon sur papier coal dust. 144 x 103 cm. (© Regular Studio)

comme la première lutte des personnes gays et lesbiennes contre leur oppression sociale et policière. Ils marquent l’émergence de ce qui deviendra le mouvement LGBTQIA+, aux États-Unis et plus tard dans le monde. Il en résulte des oeuvres quasi abstraites, rigoureuse­ment composées et d’une précision clinique, jouant notamment des mises en abîme par le biais des maries-louises.

Pour ce qui est des autres artistes exposés, on retrouve dans l’intensité graphique des dessins de très grand format de Claude Cattelain la puissance de ses sculptures qui scandent l’espace avec leur structure ouverte, comme une charpente faite de matériaux de constructi­on récupérés sur des chantiers. C’est à partir d’archives vernaculai­res ou historique­s qu’émergent les figures que l’on aperçoit dans les dessins de Camille Leherpeur et Jonathan Rosić. Mélanie Berger, quant à elle, tente d’enregistre­r les traces du temps dans des images à première vue fugaces, mais dont la saturation ne se révèle qu’après un regard plus soutenu : disparitio­n et apparition s’y confronten­t impercepti­blement.

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Critique d’art et commissair­e d’exposition, Bernard Marcelis est basé à Bruxelles. Collaborat­eur d’artpress de longue date, il écrit aussi pour l’édition française de The Art Newspaper. Dernier ouvrage : édition des Lettres sur un travail d’André Cadere à Yvon Lambert (JBE Books, 2022).

In 2012, the architect Alexis Rastel founded a gallery devoted to contempora­ry art—hence its title, which encapsulat­es his three forms of identity: his profession, his name and his passion. The gallery is housed in two former shops on the ground floor of a 1970s block

Takahiro Kudo. Untitled (278°C). Série series

It Collapsed Out of Shame. 2016. Billet de 100 euros banknote. 17 x 24 cm. (© Regular Studio)

of flats in the centre of Ixelles, not far from Place Flagey. Its layout is reminiscen­t of the Rivoli building in Ixelles, which houses around fifteen galleries that have also taken the place of former shops. The two streetfron­t spaces are complement­ary, despite being just a few metres apart. They can be distinguis­hed by their colour, but function like echoes: the “White cube” is more of an artistic laboratory, whereas the “Black cube” presents what might be described as a more “domestic” approach.

The gallery represents both Belgian and internatio­nal artists, collaborat­es with independen­t curators and, in addition to Drawing Now, takes part in numerous fairs: Paris Photo, Paréidolie (Marseille), Ballroom Project (Antwerp), Approche (Paris), Unseen (Amsterdam), Around Video (Lille), Luxembourg Art Week, Art on Paper (Brussels), Art Rotterdam and Galeristes, in Paris, from 2017 to 2019...

Amongst the dozen represente­d artists are the Frenchwoma­n Mélanie Berger (born in 1979 and living in Brussels), the Belgian sculptor Claude Cattelain (born in 1979 and living in Brussels), the French painter Camille Leherpeur (born in 1990 and living in Paris) and the Belgian draughtsma­n and photograph­er Jonathan Rosić (born in 1979 and living in Brussels). All of these artists feature on the gallery’s stand at Drawing Now, their work assembled in a group show based on the figure of Mnemosyne, considered to be the Greek goddess of memory.

Mnemosyne is credited with inventing words and language, thereby enabling expression. She is often depicted as a woman in her forties, resting her chin on her hand in a meditative posture.

CLINICAL PRECISION

The Japanese artist Takahiro Kudo is the focus of attention on the stand. Born in Osaka in 1984, he studied in Japan before moving to Belgium to study at the Académie des Beaux-Arts in Ghent. He currently lives in Berlin.Takahiro Kudo is a conceptual artist who uses paper documents and media in a quasi-scientific process of decontextu­alisation and dematerial­isation. For example, the artist went in search of the temperatur­e at which a 100-euro note changed state, i.e. 278° ( Untitled [278°C], 2016, from the series It Collapsed Out of Shame), just as he studied the impact of the sun on a daily newspaper reporting on the Stonewall riots in Greenwich Village, New York, in 1969 ( Untitled [Homo Nest Raided, Queen Bees Are Stinging Mad], 2022, in “tanned” newsprint). These events are considered to be the first struggle by gay and lesbian people against social and police oppression. They marked the emergence of what would become the LGBTQIA+ movement, in the United States and later around the world.This approach results in almost abstract works, rigorously composed with clinical precision, playing on metatheatr­e through the use of mounts. As for the other artists on display, the power of Claude Cattelain’s sculptures can be found in the graphic intensity of his very large-format drawings, which interspers­e the space with their open structure, like a framework made from constructi­on materials salvaged from building sites.The figures in Camille Leherpeur and Jonathan Rosić’s drawings emerge from vernacular or historical archives. Mélanie Berger, for her part, attempts to record the traces of time in images that initially seem fleeting, but whose saturation reveals itself on closer inspection: an impercepti­ble confrontat­ion between disappeara­nce and appearance.

Translatio­n: Juliet Powys

nBernard Marcelis is an art critic and curator based in Brussels. A long-time artpress collaborat­or, he also writes for the French edition of The Art Newspaper. Latest publicatio­n: Lettres sur un travail d’André Cadere à Yvon Lambert (JBE Books, 2022).

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