Pascal Louvrier
Philippe Sollers entre les lignes Le Passeur, 256 p., 18 euros
Sollers, encore ? Mais oui : la médiocrité des hommages posthumes, auxquels les derniers membres vivants de Tel Quel (Henric, Pleynet) n’ont, étrangement, pas été conviés, laisse redouter que le silence accueille désormais cette oeuvre abondante, multiple et centrée sur quelques idées-forces, dont celle de la littérature, avec l’art et la musique, comme « guerre du goût » : cela même qui ne va pas de soi, dans l’ignorance et la grande vertu contemporaines. C’est dire si l’essai biographique de Pascal Louvrier vient à point – en attendant, peut-être, une grande biographie. Si Louvrier emprunte un ton volontiers sollersien, c’est moins par mimétisme que par empathie pour le « personnage » dont il s’approche pour mieux voir l’homme se dérober. Sollers et ses masques ? Les textes sont là, et les photos, les films, les documents, peu d’écrivains s’étant mis à ce point en scène. Il reste donc à le lire, à l’accompagner de 1936 à 2023, de Bordeaux à Paris, en passant par Venise, la Chine, New York, et de l’inaugural Défi (1955) à l’antépénultième Graal (2022), un inédit étant annoncé ; et puis du passage de Tel Quel à l’Infini, du Seuil à Gallimard, de Mao à JeanPaul II, du roman à l’essai, et de l’essai comme « chronique » au biographique déclaré : l’Agent secret (2021), qui reprend sur un autre mode Portrait du joueur (1984). Importance des femmes, aussi : Julia Kristeva, Dominique Rolin, et d’autres, toujours sur le mode du joueur ; rien de plus sérieux, donc, tout comme les amitiés : Bataille, Barthes, Althusser, Lacan ; et bien sûr, non moins important, les figures qu’il interroge : Nietzsche, Fragonard, Maistre, Picasso, Saint-Martin, Manet, Casanova, Mozart, De Kooning, Guénon, entre autres ; et, le plus remarquable, par quoi il restera, bien plus que pour le trop célinien Femmes : ses lectures d’Homère et de Dante.