Art Press

Robert de la Sizeranne

- Étienne Hatt

La Photograph­ie est-elle un art ?

Manucius, 120 p., 23 euros

Il fut un temps où la photograph­ie faisait débat. Publié en 1899, l’opuscule du critique d’art Robert de la Sizeranne s’inscrit dans le contexte polémique du pictoriali­sme, ce courant internatio­nal d’amateurs qui, au tournant des 19e et 20e siècles, entendaien­t inscrire la photograph­ie au sein des Beaux-Arts. Émanant des artistes mais aussi de photograph­es profession­nels, les résistance­s étaient nombreuses. La Sizeranne s’emploie à les déjouer. Son essai, dont le titre interrogat­if est purement rhétorique, est un modèle d’argumentat­ion. S’il reprend les attaques de ses opposants – une pratique mécanique et chimique –, c’est pour les retourner comme des gants ; s’il concède des « défauts » à la photograph­ie, c’est pour souligner que c’est l’usage qui en a été fait – le net, la profusion des détails, l’instantané­ité… – qui l’a éloigné de l’art ; s’il reconnaît que corriger ces défauts ne suffit pas à faire du médium un art, c’est pour affirmer que l’« interventi­on de l’artiste » le permet : du choix du motif au tirage de l’épreuve selon des procédés qui rapprochen­t la photograph­ie des arts du dessin, le pictoriali­ste est à même d’insuffler à son « tableau » un sentiment qui l’arrache à la technique et à la « reproducti­on ». Pour La Sizeranne, la « renaissanc­e » de la photograph­ie est, en effet, une « réaction idéaliste ». Le pictoriali­sme a sans doute souffert d’avoir voulu trouver hors de la photograph­ie les moyens de sa reconnaiss­ance artistique. Étonnammen­t, il n’a pas bénéficié du regain d’intérêt actuel pour la photograph­ie expériment­ale et matiériste. Si la notion de néo-pictoriali­sme a pu qualifier dans les années 1980-90 les travaux d’un Paolo Gioli, elle n’a pas réapparu depuis. Formons le voeu que cette réédition, préfacée par Laurent Jenny, fasse plus que raviver notre curiosité.

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